Des malades sont évacués de la Ghouta orientale (Syrie), le 27 décembre 2017. / HAMZA AL-AJWEH / AFP

Les sorties se font au compte-gouttes, mais c’est un début. Réclamée depuis des semaines par les organisations humanitaires internationales, l’évacuation médicale de malades de la Ghouta orientale, l’un des derniers carrés anti-Assad aux portes de Damas, a commencé mardi 26 décembre au soir.

Une fillette hémophile et un enfant souffrant de leucémie, accompagnés de leurs parents, figurent parmi les quatre premiers patients qui ont quitté cette enclave, assiégée par les forces prorégime et soumise à de graves pénuries en médicaments et en nourriture. Douze autres malades ont été transportés mercredi soir.

Le processus d’évacuation est complexe. Ralentissant le mouvement, des malades ont préféré ne plus partir, par peur d’être arrêtés s’ils passent en zone gouvernementale : les premiers patients ont été transférés dans des hôpitaux de Damas. En tout, 29 personnes dans un état critique doivent sortir du territoire rebelle.

La liste initiale comprenait une majorité d’enfants, dont certains souffrant de problèmes cardiaques. Chargés de mener l’évacuation, les secouristes du Croissant-Rouge arabe syrien et du Comité international de la Croix-Rouge naviguent entre les combattants rebelles, dans la Ghouta, et les soldats, aux portes de cette région, pour accompagner les malades.

« Jeu de pouvoir »

Mais c’est aussi parce qu’il s’agit en fait d’un échange que l’opération prend du temps. Les civils sont une fois de plus utilisés comme une arme pour négocier : l’évacuation n’a été rendue possible qu’au terme d’un accord entre régime et rebelles. Les autorités syriennes ont refusé le départ sans conditions des malades, comme y exhortent les humanitaires. Elles ont obtenu, en contrepartie, la libération de prisonniers détenus par Jaïch Al-Islam, la faction la plus puissante dans la Ghouta orientale. « Tout est politisé. Chaque partie veut obtenir un avantage dans ce genre de deal », déplore un humanitaire.

Selon l’accord, 23 civils doivent quitter les centres de détention de Jaïch Al-Islam, groupe salafiste réputé pour ses pratiques mafieuses. Selon une source informée, il s’agit de civils. Cinq d’entre eux sont déjà sortis dans la nuit de mardi à mercredi. Le groupe insurgé détient des milliers de personnes, peut-être jusqu’à 6 000.

Selon un journaliste du camp progouvernemental, l’échange a pu être accéléré par la réunion tenue à huis clos il y a quelques jours à Astana, au Kazakhstan, entre représentants du régime et de la rébellion et leurs parrains respectifs : Russie et Iran d’une part, Turquie de l’autre. « On ignore encore si ces évacuations marquent le début d’un processus plus large, ou s’il s’agit d’une opération isolée », précise-t-il.

Le nombre de patients qui doivent être évacués est infime par rapport aux besoins. Selon l’ONU, près de 500 autres personnes ont besoin de recevoir d’urgence des soins hors de la Ghouta orientale. Jan Egeland, le chef du groupe de travail humanitaire de l’ONU pour la Syrie, a récemment laissé éclater sa colère : ce chiffre est « en train de diminuer, non pas parce que nous évacuons les gens, mais parce qu’ils sont en train de mourir ».

Au moins 17 personnes sont décédées dans l’enclave rebelle au cours des dernières semaines, faute de recevoir des soins appropriés et de pouvoir être évacuées. M. Egeland avait dénoncé un « jeu de pouvoir entre hommes de pouvoir, armés et grassement nourris », causant le calvaire des « plus innocents ».

Plus d’un enfant sur dix souffre aujourd’hui de malnutrition aiguë dans la Ghouta orientale. A cause des violences, ils peuvent difficilement être soignés

Le régime bloque l’entrée d’aide humanitaire sur une base régulière dans la Ghouta orientale, malgré ce que prévoyait un accord parrainé par la Russie pendant l’été, et une bonne partie de l’aide médicale est retirée par l’armée des camions, lorsqu’ils sont autorisés à rentrer. Des rebelles sont aussi accusés d’entraver la distribution de nourriture.

Plus d’un enfant sur dix souffre aujourd’hui de malnutrition aiguë dans la Ghouta orientale. A cause des violences, ils peuvent difficilement être soignés. Tout au long du mois de décembre, les volontaires des casques blancs, secouristes en zone insurgée, ont fait état de civils blessés dans des frappes des forces prorégime.

Les bombardements ont aussi fait des morts, même si leur nombre est moins important par rapport aux quelque 200 victimes tuées durant les frappes aériennes particulièrement intenses, entre la mi-novembre et début décembre. Elles avaient fait suite à une attaque des insurgés contre une position de l’armée. Durant la même période, 29 civils ont été tués à Damas dans des tirs massifs d’obus par les rebelles.

Si d’autres évacuations médicales pourraient avoir lieu, nul ne s’attend à une levée ou un assouplissement du siège. Bien que la Ghouta orientale fasse partie, depuis juillet, des zones de « désescalade », le régime semble déterminé à obtenir la reddition des rebelles, par des accords négociés ou par des départs vers la province insurgée d’Idlib.