Le chef de l’Etat italien, Sergio Mattarella avec le premier ministre Paolo Gentiloni. / Paolo Giandotti/présidence italienne/AFP

La campagne s’annonce tendue : les Italiens seront appelés aux urnes le 4 mars, après la dissolution du Parlement, actée jeudi 28 décembre. La fin de la législature a été actée en début de soirée, comme l’officialisation de la date du prochain rendez-vous électoral. Comme le veut la Constitution, le chef de l’Etat, Sergio Mattarella, s’était entretenu d’abord avec le chef du gouvernement sortant, Paolo Gentiloni, puis avec les présidents du Sénat, Pietro Grasso, et de la Chambre des députés, Laura Boldrini.

Le scrutin législatif doit permettre d’élire 630 députés et 315 sénateurs. En dépit des efforts de Matteo Renzi, l’ancien premier ministre qui a démissionné en décembre 2016 à l’issue du rejet par référendum d’une vaste réforme de la Constitution, les deux chambres demeurent placées sur un pied d’égalité dans l’adoption des lois.

  • Pourquoi une dissolution maintenant ?

La législature aurait pu durer encore quelques semaines, avant de lancer la campagne officielle en vue du scrutin du 4 mars. Mais la dissolution anticipée permet à la majorité de sauver les meubles au sujet d’un des projets phares du programme du Parti démocrate (PD, gauche), au pouvoir depuis cinq ans : la refonte du code de nationalité, en y introduisant une dose de « droit du sol ».

Quelque 800 000 enfants nés en Italie, de parents immigrés, ou arrivés en bas âge dans le pays, auraient pu bénéficier de la réforme pour devenir Italiens. Le projet a été voté sans difficulté par la chambre des députés, dominée jusqu’ici par le PD, quand Matteo Renzi dirigeait le gouvernement, mais son successeur, Paolo Gentiloni, était dans l’impossibilité de rassembler une majorité sur ce texte au Sénat.

La droite proche de Silvio Berlusconi, la Ligue du Nord et le Mouvement 5 Etoiles (M5S) s’opposaient d’autant plus farouchement au projet que l’immigration s’annonce comme l’un des sujets les plus sensibles de la campagne. Et les appels de dernière minute d’associations et de parlementaires en vue de retarder la dissolution pour permettre l’adoption du texte n’auront servi à rien.

D’ici au scrutin, M. Gentiloni gérera les affaires courantes. Ce n’est qu’au prochain parlement, qui entrera en fonction le 23 mars, qu’il présentera sa démission.

  • Une nouvelle loi électorale aux effets incertains

Le scrutin du 4 mars sera le premier à se dérouler en vertu d’une nouvelle loi électorale, objet de longues tractations avant et après la démission de Matteo Renzi. Le « non » au référendum pour la réforme de la Constitution, début décembre 2016, a entraîné le retrait d’un projet de loi électorale à forte empreinte majoritaire. L’ancien premier ministre espérait, avec ce texte baptisé « Italicum », que l’Italie serait en mesure de savoir qui allait la gouverner dès l’annonce des résultats d’un scrutin. Et bénéficierait d’une stabilité gouvernementale inédite.

Après l’échec de cette tentative, c’est un texte bien différent qui a été concocté par les différents partis politiques et adopté en octobre : le Rosatellum est en effet un système essentiellement proportionnel avec une petite dose de scrutin majoritaire. Près de 400 des 630 députés seront élus au scrutin proportionnel de liste.

Sur les 315 sièges du sénat, 196 seront renouvelés à la proportionnelle. Pour limiter la fragmentation du Parlement, les partis devront dépasser les 3 % de voix pour obtenir des élus à la proportionnelle, et 10 % pour une coalition.

  • Pas de majorité claire en vue

Ce dispositif électoral risque de ne pas permettre de dégager une majorité claire pour gouverner, selon toutes les simulations faites à ce jour. Le M5S, qui refuse par principe toute alliance, est crédité, à lui tout seul, de 27,5 %, ce qui devrait lui valoir la première place en tant que parti.

La coalition de centre droit regroupée derrière Silvio Berlusconi – lui-même inéligible pour cause de condamnation – arrive en tête des différentes alliances post-électorales possibles. Les trois forces principales qui la composent – Forza Italia, Ligue du Nord et Frères d’Italie – attireraient autour de 36 % des voix.

En difficulté en ce moment, le Parti démocrate, dirigé par M. Renzi, arriverait en dessous de la barre de 25 %. Il est frappé par l’usure du pouvoir, après cinq années passées au gouvernement. Et souffre de la création, sur sa gauche, du parti Libres et Egaux, une formation très anti-Renzi.

  • Plusieurs scénarios de coalition

Face à cet éventuel blocage, différentes issues sont d’ores et déjà imaginées. D’après de nombreux commentateurs, le Parti démocrate et Forza Italia pourraient être amenés à une forme de grande coalition. L’hypothèse agace le principal allié de Silvio Berlusconi, Matteo Salvini, le dirigeant de la Ligue du Nord. Reste que, selon les intentions de vote actuelles, même cette alliance est loin d’obtenir la majorité.

Du coup, on évoque aussi l’option d’un rapprochement entre le Mouvement 5 étoiles et la Ligue du Nord, dans la mesure où les deux formations cultivent des vues communes sur certains thèmes, comme l’immigration. Le M5S pourrait aussi s’associer avec Libres et Egaux. Pour Luigi Di Maio, le chef de file du M5S, son mouvement devra être chargé de former le gouvernement s’il arrive en tête, quitte à chercher au Parlement, sur des thèmes précis, des soutiens ponctuels.

Difficile d’imaginer que le chef de l’Etat, Sergio Mattarella, choisisse cette voie, tant l’hypothèse d’un gouvernement dominé par le M5S effraie les partis traditionnels. En guise de parade, tout laisse penser que pour obtenir le mandat de former le gouvernement, le prétendant au poste de président du Conseil devra se montrer en mesure de rassembler une majorité susceptible de soutenir le gouvernement.

En cas de blocage persistant, rien n’exclut l’organisation de nouvelles élections. Dans cette hypothèse, Paolo Gentiloni resterait en charge des affaires courantes, avec le soutien tacite de Silvio Berlusconi.