Des combattants du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), près de Tabankort, au nord de Gao, en février 2015. / Stringer / Reuters

Le gouvernement malien va proposer une loi « d’entente nationale » exemptant de poursuites « tous ceux impliqués dans une rébellion armée », à condition qu’ils n’aient « pas de sang sur les mains », a annoncé le président Ibrahim Boubacar Keïta dans son message de fin d’année, dimanche 31 décembre 2017.

Le chef de l’Etat a également, pour « mettre fin à certaines supputations » sur un éventuel report des scrutins prévus en 2018, réitéré « l’assurance que toutes les élections et plus particulièrement la présidentielle et les législatives se tiendront dans le respect des délais constitutionnels », sans dire s’il serait candidat.

« Je suis à la tâche, je travaille, et j’assume parfaitement la difficulté d’hériter d’un pays que certains avaient plongé dans le chaos et voulaient détruire », a-t-il simplement déclaré, qualifiant l’année à venir de « cruciale » pour le Mali.

Son message, dans la nuit de dimanche à lundi, est intervenu peu après la désignation d’un nouveau gouvernement et le retour au Mali pour une semaine de son prédécesseur Amadou Toumani Touré (2002-2012), après cinq ans d’exil au Sénégal.

Un programme de réinsertion

Le président Keïta a dit s’inspirer de la « charte pour la paix, l’unité et la réconciliation nationale » qui lui a été remise le 20 juin 2017, deux ans jour pour jour après la signature de l’accord de paix au Mali par l’ex-rébellion à dominante touareg du nord du pays.

Pour « conforter la réconciliation nationale », cette charte « propose des mesures spéciales de cessation de poursuite ou d’amnistie en faveur de certains acteurs de la rébellion armée de 2012 », a-t-il indiqué.

« Le projet de loi sur l’entente nationale » qui sera présenté « dans les semaines qui viennent » prévoira donc « l’exonération de poursuites de tous ceux impliqués dans une rébellion armée, mais qui n’ont pas de sang sur les mains », a-t-il ajouté.

Il comportera également « des mesures d’apaisement après l’accélération des procédures en cours et les réparations accordées aux victimes reconnues », ainsi qu’un « programme de réinsertion pour tous ceux qui déposeront les armes et s’engageront publiquement à renoncer à la violence », a affirmé le chef de l’Etat.

Mais il « ne constitue ni une prime à l’impunité, ni un aveu de faiblesse. Encore moins un déni du droit des victimes », a-t-il assuré, soulignant que d’autres pays confrontés aux mêmes phénomènes « ont pratiqué une démarche similaire », en référence notamment à la loi de « concorde civile » en Algérie voisine.

« Il offre une possibilité de réinsertion à ceux qui se sont laissés entraîner dans la contestation armée, mais qui n’ont pas commis l’inacceptable et qui manifestent un repentir sincère », a-t-il expliqué.

Des zones entières encore hors de contrôle

Relevant l’insuffisance des « solutions purement sécuritaires », Ibrahim Boubacar Keïta a appelé les Maliens à faire preuve « d’objectivité pour comprendre comment certains antagonismes ont prospéré jusqu’à mettre à mal des cohabitations multiséculaires ».

Le nord du Mali était tombé en mars-avril 2012 sous la coupe de groupes djihadistes liés à Al-Qaida, à la faveur de la déroute de l’armée face à la rébellion, d’abord alliée à ces groupes qui l’ont ensuite évincée.

Les djihadistes ont été en grande partie chassés de cette région à la suite du lancement en 2013, à l’initiative de la France, d’une intervention militaire internationale, qui se poursuit actuellement.

Mais des zones entières échappent encore au contrôle des forces maliennes, françaises et de l’ONU, régulièrement frappées par des attaques malgré l’accord de paix censé isoler définitivement les djihadistes, dont l’application accumule les retards.