Les pointures des réseaux et logiciels ont désormais leur agent. Un homme, une femme de confiance, qui gère leur carrière, négocie leurs contrats, les décharge de toutes sortes de préoccupations quotidiennes. Ludovic Hindryckx, 34 ans, en fait partie. Après treize ans de salariat, ce développeur full-stack (« à tout faire ») a choisi de se mettre à son compte. Suivant la tendance dans ce métier, où le free-lance est de plus en plus prisé, il s’est vite rendu compte que cela impliquait certaines contraintes : « Il fallait s’occuper de la création de l’entreprise, trouver une banque, trouver des clients, s’occuper des assurances… »

Des tâches chronophages pour ces experts sursollicités. Ludovic Hindryckx a donc fait appel à Top Five, une agence qui prend en charge tout ce qu’il n’aime pas faire. Et, surtout, qui lui déniche les missions : trois mois pour commencer, puis six mois et encore six mois renouvelables, lui épargnant l’aspect commercial de son métier. Ce service a un coût, bien sûr : 1 000 à 2 000 euros par mois chez Top Five, par exemple.

Un marché tendu

« Mais, à la fin du mois, je m’y retrouve très bien, assure ce professionnel des langages informatiques. La preuve, depuis que je suis free-lance, je n’ai jamais été aussi détendu ! » « Le statut d’indépendant devient la norme pour les développeurs, autant auprès des start-up que des grands groupes », confirme Rony Msika, cofondateur de Top Five. Comme souvent, la tendance vient d’outre-Atlantique. Aux Etats-Unis, 80 % des développeurs travaillent en free-lance, contre 5 % seulement en France − mais déjà 20 % de la « crème » de la profession.

Une première raison à cette montée en puissance des agents : le marché est extrêmement tendu, avec des besoins croissants du côté des entreprises, qui ne cessent de développer des projets numériques – et des start-up qui n’ont pas les moyens d’embaucher plusieurs développeurs –, et une offre limitée des écoles d’ingénieurs, qui ne « fournissent » pas assez de bataillons.

Du coup, les développeurs peuvent se permettre de choisir leurs missions. « Les très bons développeurs coûtent cher : ils peuvent facturer entre 800 et 1 500 euros la journée. La plupart acceptent rarement des CDI, ils préfèrent travailler en free-lance », ajoute Grégory Herbé, chasseur de têtes spécialisé dans le recrutement centré sur les réseaux sociaux.

La deuxième explication vient de la nature même des projets qui leur sont confiés : souvent circonscrits dans le temps, ils ne justifient pas une embauche en CDI. Et la diversité des environnements techniques ou des langages informatiques fait que chaque projet peut nécessiter une compétence différente. Il est donc plus efficace de faire appel à des free-lances.

Des contrats sur mesure

Le cœur de la mission des agents reste de trouver à leurs « poulains » des contrats correspondant exactement à leurs compétences techniques, leurs envies et aussi leur personnalité. Certains geeks ont du mal à s’intégrer à de grosses équipes, d’autres sont plus ouverts… L’agent doit aussi « optimiser » le temps de travail de son client. « Les développeurs sont un peu reclus dans leur monde, précise Grégory Herbé. Il faut qu’il y ait quelqu’un pour trier les projets qui leur sont soumis, car 90 % des propositions sont un peu bidon. Nous sommes là pour faire la négociation avec le client. »

L’agent va aussi faire en sorte que le développeur enchaîne les missions de manière fluide, sans qu’il y ait trop de journées non facturées dans l’intervalle… Avantage pour l’entreprise : « Elle est sûre que son free-lance se consacre à 100 % à sa mission et ne prospecte pas pour dénicher la suivante », note Rony Msika.

Damien Spennato, à la tête d’AgentdeDéveloppeur.com, une start-up basée à Lyon, va même plus loin dans la vision de son métier : « Notre rôle est aussi de les aider dans leur épanouissement professionnel : la plupart n’ont aucune idée de ce qu’ils veulent faire dans cinq à dix ans. » Lui attache ainsi beaucoup d’importance à valoriser ses « clients » dans les réseaux, par exemple en suscitant des rencontres entre des développeurs aux profils similaires.

Enfin, comme dans le monde du football, les agents peuvent se charger des « transferts » internationaux. Eric Busch, PDG de Busch & Partners, un cabinet installé au Luxembourg, travaille beaucoup à l’international. « On les accompagne dans les démarches administratives, la recherche d’un logement, toutes les choses dont les jeunes comme eux n’ont pas l’habitude de s’occuper ! »