En juin 2009, Barack Obama avait mis une semaine à réagir aux amples manifestations qui avaient suivi, en Iran, la réélection houleuse du président Mahmoud Ahmadinejad. La raison de cette retenue était apparue plus tard : dès son arrivée à la Maison Blanche, le nouveau président américain avait envoyé une lettre secrète au Guide suprême, Ali Khamenei, pour lui proposer des négociations sur le programme nucléaire iranien. Son administration avait aussi commencé à explorer la piste d’un canal discret de communication avec Téhéran, par l’intermédiaire d’Oman. Les manifestations, violemment réprimées, avaient gelé le rapprochement qu’il souhaitait avec la République islamique, et qui devait finalement aboutir, six ans plus tard, à la signature de l’accord de 2015.

Donald Trump, lui, n’a pas tardé pour apporter son soutien aux manifestations qui ont commencé le 28 décembre 2017 à Machhad. Dans un Tweet posté le lendemain, de sa villégiature de Floride, le président américain déclare que les « citoyens iraniens en ont assez de la corruption du régime et sa dilapidation de la richesse nationale pour financer le terrorisme à l’étranger ». Le gouvernement iranien « doit respecter leurs droits, y compris celui à s’exprimer, met-il en garde. Le monde est attentif ».

Le lendemain, M. Trump a posté deux extraits vidéo de son discours de septembre à l’Assemblée générale de l’ONU. « Les régimes d’oppression ne peuvent durer éternellement », assure-t-il le 30 décembre 2017. Le 31, il affirme que l’Internet est « fermé » en Iran (« Not good ! »). Le 1er janvier (à 4 h 44), il estime que pour les Iraniens, c’est « le moment du changement ».

L’occasion d’accentuer l’escalade

Le département d’Etat lui a emboîté le pas, accusant les dirigeants iraniens de transformer « un pays plein de richesses, pourvu d’une histoire et d’une culture importantes, en un Etat voyou, appauvri, dont les principales exportations sont la violence, le sang versé et le chaos ».

Selon le Wall Street Journal, l’administration Trump fait pression sur nombre de capitales étrangères pour qu’elles apportent leur soutien aux manifestants, et préparerait des sanctions contre les entités qui organisent la répression du mouvement.

Pour les « faucons » américains, les manifestations sont l’occasion d’accentuer l’escalade avec Téhéran, graduelle depuis l’arrivée de M. Trump à la Maison Blanche. Le 13 octobre 2017, celui-ci avait décidé de ne pas « certifier » auprès du Congrès américain que l’Iran respecte ses engagements contenus dans l’accord de 2015. « Nous avons la possibilité, en 2018, d’asséner des coups mortels à des acteurs réellement mauvais », a affirmé le sénateur républicain Lindsey Graham, interrogé sur la Corée du Nord et l’Iran. Mais, a-t-il ajouté, à l’adresse du président américain : « On ne peut pas se contenter de tweeter. Il faut un plan. »

Dans le Washington Post, le chercheur Michael Singh, du Washington Institute for Near East Policy, appelle lui aussi à des mesures concrètes, comme procurer des plates-formes numériques à l’extérieur de l’Iran pour permettre aux militants d’informer sur la situation. En Iran cependant, l’activisme de M. Trump est largement perçu comme contre-productif et dangereux pour les manifestants.

« Comme en 2009, les durs essaient déjà de faire passer les manifestants pour des agents de l’étranger, analyse Ariane Tabatabai, du programme d’études de l’université de Georgetown sur la sécurité. Si Washington est perçu comme intervenant activement dans les affaires de l’Iran, cela dissuadera – au mieux – les Iraniens de se joindre au mouvement. Au pire, cela renforcera les durs, affaiblira les manifestants et facilitera la répression. »