Les Chinois vont enfin pouvoir découvrir le jeu vidéo phénomène de 2016 : c’est ce qu’a annoncé mardi 2 janvier John Hanke, le directeur de Niantic, éditeur de Pokémon Go, dans les colonnes du Financial Times. Une étape très importante dans la courte histoire de ce jeu au succès aussi immense qu’inattendu – il faut dire qu’avec ses 1,3 milliard d’habitants, la Chine représente le premier marché de la téléphonie mobile au monde, et un important vivier de futurs joueurs pour Niantic.

Si l’entreprise a mis tant de temps à conquérir le pays, c’est que les conditions d’entrée y sont drastiques pour les entreprises technologiques. Celles-ci doivent notamment s’associer avec un partenaire chinois avant de pouvoir proposer leurs services sur le territoire. Pour Niantic, c’est chose faite avec NetEase, un important éditeur de jeux vidéo, mais aussi développeur de services Web.

Autre obstacle pour les concepteurs de jeux qui voudraient s’exporter en Chine : ils sont souvent contraints de retravailler leurs produits pour que le contenu corresponde aux normes chinoises. En 2014, un communiqué du ministère de la culture avait précisé que les jeux qui comportent « tout ce qui choque l’éthique, la culture, les traditions et les valeurs chinoises » étaient interdits. Pokémon Go, un jeu de géolocalisation permettant de « capturer » sur son smartphone de mignonnes créatures virtuelles en se déplaçant, semble a priori très inoffensif, mais il n’est pas impossible que Niantic doive l’adapter pour le marché chinois.

Une base « solide » de joueurs

L’arrivée de Pokémon Go en Chine, à une date encore inconnue, pourrait redonner un nouveau souffle à ce jeu culte. A sa sortie l’été 2016, Pokémon Go avait pris tout le monde de court avec son extraordinaire succès : Niantic, qui a subi d’énormes problèmes techniques dans un premier temps, mais aussi les forces de l’ordre de plusieurs pays, dépassées par les foules de joueurs qui se sont soudainement mises à arpenter les rues. Mais après cet effet de mode de quelques mois, le soufflé était retombé – sans qu’il soit possible de chiffrer la dégringolade, Niantic ayant toujours été très discret à ce sujet.

Si John Hanke reconnaît que le nombre de joueurs a fortement baissé, il affirme qu’il subsiste une base « solide » de joueurs. Dans les colonnes du Financial Times, il explique que les revenus de Pokémon Go en 2017 furent moins importants que lors de six mois d’existence du jeu en 2016, « mais ils furent très bons », souligne-t-il sans donner plus de détails.

Pour tenter de relancer l’intérêt des joueurs, Niantic a sorti plusieurs mises à jour notables, notamment en décembre 2017, sans que cela ne réveille pour autant les foules. Reste à voir si les Chinois s’enthousiasmeront autant que le reste du monde pour ce jeu.

Harry Potter en réalité augmentée

Le premier visuel de « Harry Potter: Wizards Unite ». / Niantic

La conquête des joueurs chinois n’est pas le seul important projet de l’année 2018 pour Niantic, qui s’est imposé comme leader du jeu vidéo en réalité augmentée, c’est-à-dire qui se fonde sur le monde réel pour y incruster des éléments virtuels par l’intermédiaire du téléphone.

L’entreprise a annoncé en novembre la sortie, prévue pour la deuxième moitié de l’année, d’un jeu Harry Potter en réalité augmentée. Harry Potter : Wizard Unite permettra aux joueurs « d’apprendre des sorts, d’explorer leurs quartiers et leurs villes dans le monde réel pour découvrir et combattre des créatures fantastiques et s’allier avec d’autres joueurs pour vaincre de puissants ennemis », explique Niantic dans un communiqué. Une franchise colossale qui pourrait séduire un autre public, peu adepte des mini-monstres japonais de l’univers Pokémon.

Enfin, Niantic a annoncé en décembre un retour aux sources avec le « reboot » d’Ingress, son premier jeu en réalité augmentée, qui a posé les bases de Pokémon Go. Lancé en 2012, téléchargé plus de 20 millions de fois selon les chiffres communiqués par Niantic, Ingress met en scène dans un univers de science-fiction la lutte entre deux factions ennemies, les « éclairés » et les « résistants », qui tentent de conquérir un maximum de territoire. Pour cela, ils doivent relier des « portails » entre eux, qui sont en fait des lieux d’intérêt du monde réel.

Sans « Ingress », pas de « Pokémon Go »

En cinq ans d’existence, Ingress a réussi à conquérir une communauté passionnée, très active, qui se réunit notamment lors de grands événements organisés à travers le monde. Mais le jeu, relativement complexe à prendre en main, n’a pas connu un succès aussi large que Pokémon Go. Le principe est pourtant le même, et pour cause : les innombrables « portails » d’Ingress, des lieux du monde réel repérés et proposés par les joueurs pour composer le jeu, ont servi de base aux « Pokéstops » et aux « arènes » de Pokémon Go – et seront peut-être exploités à nouveau pour Harry Potter : Wizard Unite.

La nouvelle version du jeu, baptisée Ingress Prime, promet de « complètement transformer l’interface utilisateur » et d’apporter un nouvel arc narratif. Pour mieux les simplifier ? L’entreprise reste pour le moment évasive sur ce point.

Ingress Prime
Durée : 01:49

2018 pourrait devenir une année d’importance pour la réalité augmentée. Poussés par le succès de Pokémon Go, mais aussi de Snapchat qui permet d’intégrer en direct des éléments virtuels dans des vidéos, plusieurs poids lourds s’intéressent à ces technologies. Google, Apple, Facebook et Snap ont par exemple mis à disposition des développeurs des outils leur permettant de créer des applications de réalité augmentée. Tandis que le fantasme de lunettes de réalité virtuelle se refait peu à peu une place dans la Silicon Valley, trois ans après le cuisant échec des Google Glass.