Une interpellation dans une cité, des jeunes qui s’interposent et agressent des fonctionnaires de police, suivie par la diffusion sur les réseaux sociaux de façon virale d’une vidéo montrant un policier frappant un jeune à terre. Dès lors le soupçon s’installe et les versions s’affrontent sur ce qui s’est déroulé, lundi 1er janvier, à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis).

Peu avant 18 heures, deux agents, membres d’une brigade anticriminalité (BAC), ont reçu des coups de plusieurs personnes à la cité de la Rose-des-Vents, aussi appelée « cité des 3 000 ». Interpellés dès le lendemain, cinq jeunes âgés de 14 à 24 ans devaient comparaître jeudi 4 janvier devant le tribunal de Bobigny. Mais après la diffusion d’une vidéo dévoilant une partie de la scène, le parquet a finalement décidé d’ouvrir une information judiciaire pour mener « des investigations supplémentaires ».

Les images, publiées sur Internet, notamment par le biais des réseaux militants contre les violences policières, ont appelé à approfondir l’enquête. D’une durée d’une vingtaine de secondes, elles montrent un jeune homme maintenu à terre, casqué, poussant des cris et se débattant, alors qu’il est frappé par un policier en civil, assis à califourchon sur lui, qui brandit ensuite son arme. Mais elles s’arrêtent là et ne révèlent rien de ce qui précède ni de ce qui suit.

Coup de crosse

L’adolescent au sol est un mineur de 14 ans que les policiers de la BAC avaient tenté de contrôler quelques minutes auparavant, alors qu’il était à bord d’un scooter. « L’immatriculation était incomplète et le conducteur avait récupéré un sac dans un véhicule épave, ce qui a semblé bizarre aux policiers, qui se sont dit qu’il s’agissait potentiellement d’un deal », rapporte une source proche du dossier.

Le jeune a pris la fuite à la vue des policiers. Et c’est lorsqu’il est rattrapé que la situation dérape. Pour les policiers, l’adolescent aurait frappé l’un d’eux alors qu’ils procédaient à son interpellation. Celui-ci aurait alors riposté en lui assénant un coup de crosse sur le casque. Concomitamment, les deux fonctionnaires auraient été pris à partie par une vingtaine de personnes. L’un des policiers a alors fait usage de son arme, en tirant deux fois en l’air. Pour les jeunes du quartier, les policiers auraient « tamponné » le scooter du mineur avec leur véhicule, le faisant tomber à terre, et l’auraient frappé une fois rattrapé. Deux jeunes seulement, témoins de la scène, seraient ensuite intervenus.

La vidéo ne montre pas l’agression des agents mais ceux-ci se sont vus prescrire des interruptions totales de travail (ITT) de sept et deux jours. Le mineur de 14 ans, mis en examen jeudi soir pour rébellion et provocation à la rébellion, ne s’est vu prescrire aucun jour d’ITT.

Deux majeurs - dont le frère du conducteur du scooter - ont également été mis en examen pour violences en réunion sur personne dépositaire de l’autorité publique. Les deux autres majeurs mis en examen ne sont pas poursuivis pour les violences mais, de façon incidente, l’un pour trafic de stupéfiants et l’autre pour refus de prise d’empreinte. L’information judiciaire vise notamment à identifier d’autres auteurs de violences.

A l’image de ce qui est ressenti à la cité des 3 000, Hadama Traoré, 33 ans, fondateur du collectif citoyen « La révolution est en marche », à Aulnay, dénonce « une interpellation d’une extrême violence » et met en cause « la brutalité » des fonctionnaires. Il y a presqu’un an, dans cette même cité, les images d’une autre interpellation avaient connu un retentissement considérable. Alors que des policiers intervenaient sur un point de deal, le jeune Théo, 22 ans, avait été victime d’un viol présumé au moyen d’une matraque.