En mai 2010, une plateforme pétrolière offshore au large du canal de Santa Barbara en Californie. / Mark J. Terrill / AP

C’était le 20 avril 2010. La plate-forme de forage pétrolier Deepwater Horizon, exploitée pour le compte de British Petroleum, explosait dans le golfe du Mexique, faisait onze morts et provoquant la pire marée noire que les Etats-Unis aient jamais connue. Près de huit ans plus tard, marche arrière toute : l’administration Trump veut relancer tous azimuts les forages en mer, qui représentent le sixième de la production d’hydrocarbures américains. L’annonce, qui couvait, en a été faite par le secrétaire de l’intérieur Ryan Zinke jeudi 4 janvier. « Nous nous engageons de nouveau dans la voie de la dominance énergétique en Amérique, en particulier offshore », a-t-il déclaré lors d’une conférence téléphonique : « Il y a une claire différence entre la faiblesse et la domination énergétique. Nous allons devenir la superpuissance de l’énergie la plus forte. »

Pour cela, l’administration Trump compte ouvrir à l’exploration pétrolière 90 % des zones maritimes américaines, progressivement à partir de 2019. La mesure, qui mettra plusieurs trimestres pour être mise en œuvre, s’accompagne de deux autres décisions importantes : l’autorisation des forages dans un sanctuaire de l’Alaska, l’Arctic National Wildlife Refuge, surprenant cavalier inclus dans la réforme fiscale adoptée en décembre 2017 ainsi que l’assouplissement des régulations techniques sur le forage en mer, qui avaient été adoptées dans la foulée de la catastrophe Deepwater Horizon.

Ces trois mesures défont l’héritage environnemental de Barack Obama. L’ancien président américain a prêté le flan à ses détracteurs, en protégeant les côtes américaines pendant l’interrègne, alors que le président élu Donald Trump n’était pas encore investi. Le 20 décembre 2016, M. Obama avait interdit les forages de manière permanente au large de l’Alaska et dans l’Atlantique, du Maine à la Virginie. « M. Obama a invoqué une obscure disposition d’une loi de 1953 qui lui donne le droit d’agir unilatéralement », écrivait le New York Times, qui notait à l’époque que cette manœuvre était « qualifiée de créative par ses soutiens, d’abusive par ses opposants ». Ces dispositions avaient déjà été utilisées, mais dans une ampleur moindre. M. Trump démantèle consciencieusement ces décisions.

Des centaines de millions de dollars sur dix ans

Parallèlement, les réglementations sont en voie d’assouplissement. Dès avril 2017, M. Trump avait signé un décret demandant de réexaminer ces mesures accusées de « priver [le] pays de milliers et de milliers d’emplois potentiels et de milliards de dollars de richesse ». A l’avenir, le gouvernement fédéral s’impliquerait moins dans le contrôle des puits, laissant aux entreprises le soin de se réguler. Il appartiendrait aux industries pétrolières et non pas à l’Etat de déterminer si une installation est sécurisée ou non.

Le bureau de mise en œuvre de la réglementation environnementale (BSEE) estime que l’industrie pétrolière pourrait économiser des centaines de millions de dollars sur dix ans. « En réduisant le fardeau réglementaire sur l’industrie, nous encourageons l’augmentation de la production nationale de pétrole et de gaz tout en maintenant un niveau élevé de sécurité et de durabilité environnementale », déclarait le 28 décembre Scott Angelle, directeur du BSEE, en présentant la future réglementation.

L’idée générale est que l’industrie peut se réguler elle-même, qu’elle a tiré les leçons de la catastrophe qui a coûté à BP 18,7 milliards de dollars en pénalités et dommages et intérêts, et qu’au fond, la nature est plus résiliente qu’on ne le croit. C’est le propos que tenait en décembre l’universitaire Kelvin Droegemeier, secrétaire d’Etat à la science et à la technologie de l’Oklahoma. Interrogé sur l’irréversibilité ou non du réchauffement climatique, il citait en exemple l’affaire Deepwater : « Ce fut un désastre environnemental massif, et pourtant, à cause de la digestion microbienne d’une grande partie de la nappe, les impacts sont bien moindres que craint. Il n’empêche, il n’est pas sage de tester mère nature. »

Un tollé sur la côte pacifique

Logiquement, l’industrie du pétrole se réjouit, alors que les cours du brut remontent. « Ce sont nos terres, elles appartiennent au contribuable et doivent être disponibles », a déclaré Thomas Pyle, président de l’Alliance américaine de l’énergie. Les autorités américaines envisagent d’accorder 47 autorisations de forage sur cinq ans – les eaux fédérales s’étendent de 3 miles à 200 miles nautiques des côtes. Le plan de M. Trump prévoit d’octroyer sept concessions sur la côte pacifique, douze dans le golfe du Mexique et dix-neuf en Alaska.

A court terme, la relance de l’offshore devrait surtout être favorable au golfe du Mexique, où les infrastructures pétrolières sont très développées. L’exploration du plateau continental atlantique est beaucoup moins avancée, et les industriels sont loin d’être en mesure d’extraire des hydrocarbures. Les gouverneurs des Etats des côtes pacifique et atlantique sont globalement opposées à ces nouveaux forages.

L’affaire suscite la vive inquiétude de la Floride, qui est à la fois sur l’Atlantique et le golfe du Mexique, mais vit largement du tourisme et entend protéger ses ressources naturelles. « Ma priorité absolue est de protéger les ressources naturelles de Floride », a immédiatement déclaré Rick Scott, le gouverneur républicain de cet Etat.

Sur la côte pacifique, à majorité démocrate, l’annonce suscite un tollé : « ils ont choisi d’oublier les dégâts des marées noires passées sur la faune, la vie aquatique et les industries du tourisme dans nos Etats. Ils ont choisi d’ignorer la science, qui nous dit que notre climat change et que nous devons réduire notre dépendance aux énergies fossiles », ont accusé les gouverneurs de la Californie, de l’Oregon et de l’Etat de Washington. Il existe près d’une trentaine de plates-formes pétrolières sur le plateau continental pacifique, mais un gel des nouvelles concessions est observé depuis 1984. « Personne n’est meilleur à produire une énergie propre, de qualité et responsable que les Etats-Unis », a assuré Ryan Zinke.