Antananarivo, la capitale de Madagascar en 2013. / Thomas Mukoya/REUTERS

Dans la nuit du jeudi 28 décembre 2017, un Français s’est évadé de la prison centrale d’Antananarivo, la capitale de Madagascar. Houcine Arfa, 54 ans, qui avait été chargé de la sécurité du président Hery Rajaonarimampianina à partir de janvier 2016, a profité d’une consultation à l’hôpital pour s’enfuir. Après quinze heures de traversée en kwassa (une barque de pêcheur à moteur), l’homme a rejoint l’île française de Mayotte, dans l’océan Indien. Il a ensuite pris un petit avion en direction de l’île de la Réunion avant d’arriver lundi à Paris, où il se trouve actuellement.

Pour les autorités malgaches, l’incompréhension est totale. Qui étaient ses complices ? Comment a-t-il pu quitter la Grande Ile sans que personne ne s’en aperçoive, sachant que la capitale est à dix heures de route des côtes ? Houcine Arfa ne veut pas le préciser et choisit les éléments de son récit. La police nationale malgache, elle, n’en dit pas plus. Quand on lui demande des précisions, le lendemain de l’arrivée du détenu à Paris, elle fait mine de ne pas savoir. Pour le moment, des investigations sont en cours. Jean Rostand Rabiahaliy, directeur du cabinet de la sécurité publique, est circonspect. « Je ne dirais pas qu’il y a eu une défaillance de la police nationale. Ce qu’il faudrait savoir, c’est qui l’a aidé. »

« Je devenais gênant »

Joint par téléphone, Houcine Arfa assure avoir bénéficié de la complicité « de militaires, d’anciens ministres et du personnel pénitentiaire ». Un avis de recherche, diffusé à la télévision locale mardi, a été lancé par les autorités malgaches à son encontre ainsi que contre son épouse, Marie-Claude Arfa, pour complicité d’évasion.

Arrêté le 20 juin 2017 et condamné à trois ans de prison pour « détention illégale d’armes à feu et de munitions, tentative de kidnapping, association de malfaiteurs et usurpation de fonction », l’ex-conseiller « sécurité » du président était détenu depuis dans une prison de haute sécurité qu’il qualifie de « camp de concentration », à Tsiafahy, dans la banlieue d’Antananarivo. « J’ai été torturé et je vais peut-être perdre l’usage de mon pied gauche », affirme Houcine Arfa. « Si je ne m’évadais pas, j’allais mourir », a-t-il déclaré à l’AFP, affirmant avoir perdu dix-neuf kilos en deux mois et demi.

Ce spécialiste en stratégie militaire a déjà travaillé dans plusieurs pays d’Afrique. « Je m’entendais très bien avec le président, témoigne-t-il. On pouvait passer des heures à discuter. J’avais la confiance totale de Hery. Progressivement j’ai été chargé de sa sécurité. On étudiait des schémas tactiques ensemble. » Une source au sein du cabinet présidentiel confirme qu’il a bien été formateur de la garde présidentielle pendant quelques mois en 2016 mais sans donner plus d’informations.

Quand on demande à Houcine Arfa pourquoi il a été arrêté, son débit s’accélère et la réponse fuse : « C’est un dossier monté contre moi ! J’étais chargé de nettoyer l’entourage du président. Je devenais gênant pour certains conseillers. J’ai commencé et je me suis retrouvé face à une armée d’escrocs ! » Des « escrocs » qu’il n’hésite pas à désigner : des conseillers proches du président, au sujet desquels il dit avoir « des preuves les incriminant dans divers trafics comme le bois de rose, les tortues, la vanille… », préférant toutefois se taire pour l’instant sur les conseils de son avocat, Me Philippe Guméry. Un avocat resté flou au téléphone, précisant qu’il n’avait pas encore pris connaissance de tous les éléments. Le Bureau indépendant anticorruption malgache (Bianco) a, quant à lui, confirmé n’avoir aucun dossier sur Houcine Arfa.

Extradition

La police nationale et la procureure de la République auprès du tribunal de première instance d’Antananarivo attendaient mercredi que le gouvernement français confirme officiellement la présence de Houcine Arfa sur le territoire avant de lancer un mandat d’arrêt international. Houcine Arfa dit avoir « alerté l’Elysée » dès son arrivée à Paris, lundi 1er janvier. L’ambassade de France n’a pas souhaité commenter cette affaire, faute d’éléments. Emmanuel Gagnaire, conseiller de presse à l’ambassade, précise que « Houcine Arfa a bénéficié de la protection consulaire à partir du moment où il a eu des ennuis avec la justice malgache, comme tout ressortissant français ».

Jeudi soir, Andry Rabarisoa, le directeur de cabinet du ministère de la justice, a annoncé qu’un mandat d’arrêt international demandant l’extradition de M. Arfa allait être délivré et transmis à la France. Légalement, rien ne s’oppose à son transfèrement aux autorités malgaches.