Prendre de la hauteur, se tenir à l’écart des affaires politiques et rendre sa parole d’autant plus précieuse qu’elle est rare : voilà le choix récemment fait par Najat Vallaud-Belkacem, qui rejoint plusieurs personnalités en retrait de la scène nationale comme Marion Maréchal-Le Pen ou Xavier Bertrand. Des décisions qui relèvent certainement de stratégies avant un retour sur le devant de la scène pour Christian Delporte, professeur d’histoire à l’université de Versailles Saint-Quentin et auteur de Come back ! ou L’art de revenir en politique (Flammarion, 2014).

Que penser du choix de personnalités qui ont décidé ces derniers mois de se mettre en retrait de la vie politique, comme Najat Vallaud-Belkacem ?

Cela veut dire qu’on se retire pour pouvoir mieux revenir, avec une certaine virginité politique. Retour qui passera par tout un discours de communication sur le thème « j’ai connu autre chose que la vie politique et je ne me mêle pas au marigot qui déchire la France ou mon parti ».

Le souci essentiel, c’est qu’il faut se retirer de la vie politique sans que l’on vous oublie complètement. Il faut donc avoir des espaces qui vous permettent de vous exprimer, ou le faire à travers vos amis.

La politique, comme disait Philippe De Villiers, c’est une drogue dure. Il m’étonnerait que quand on a goûté dès le plus jeune âge à cette adrénaline – à plus forte raison quand on a été ministre – on décide de complètement tourner la page.

Certaines personnalités ne pourraient-elles pas vouloir tout simplement changer de vie, ou souffler parce que le climat politique peut être violent ?

Je n’y crois pas un instant. En France, se retirer de la vie politique définitivement et de manière volontaire, c’est d’une extrême rareté. En principe, on le fait sous la contrainte, après une décision judiciaire ou une défaite politique. Alain Madelin est un des seuls à ne pas avoir fait ce choix par défaut [en 2006].

Parmi ceux qui ont été contraints de se mettre en retrait, y compris ceux qui ont été affectés ou humiliés par les affaires judiciaires, tous sont revenus. On ne peut pas se passer de politique quand on a fondé sa carrière dessus, grimpé tous les échelons. Voyez par exemple le cas de Nicolas Sarkozy.

Prendre ainsi du recul sans pour autant fermer la porte de la politique, ce n’est donc pas un phénomène courant ?

Non, c’est quelque chose de nouveau. Cela correspond d’abord à une période, le macronisme, qui bouleverse les repères. Par ailleurs, aujourd’hui, les Français ne croient plus en la politique, ni en leurs élus. Prendre du recul, ça permet donc de dire à quel point on n’est pas accroché à son mandat ou à la notoriété politique, et que, à travers un emploi dans la société civile, on se rapproche des Français.

En France, on accorde toujours beaucoup de crédit aux personnalités qui ne font plus de politique. Il suffit de regarder les sondages : ceux qui se sont retirés grimpent en popularité.

De même, s’éloigner de la vie politique active pour s’occuper d’affaires locales, c’est excellent pour se refaire une virginité politique. Les gens ont confiance dans leur maire et pas du tout en leur ministre.