Des centaines de spectateurs ont assisté aux discussions aux Folies-Bergère. / CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

Trois ans après les attentats qui ont visé Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher, trois ans après la vague de mobilisation et de soutien qui avait mis des centaines de milliers de personnes dans la rue, comment encore dire « Je suis Charlie » ? A cette question, une journée de débats et de concerts, intitulée « Toujours Charlie », a donné une réponse ferme, samedi 6 janvier à Paris : en défendant sans faille la laïcité.

Des centaines de spectateurs ont assisté aux discussions aux Folies-Bergère, dont quelques personnalités comme l’ancien premier ministre Manuel Valls, la maire de Paris Anne Hidalgo - huée par une partie de la salle à son arrivée - ou la présidente de la région Ile-de-France Valérie Pécresse.

La journée, qui se déroulait sous haute sécurité, sentait un peu le souffre. Ses trois organisateurs – le Printemps républicain, le Comité Laïcité République et la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra) – se voient régulièrement reprocher leurs positions intransigeantes qui confinent, selon leurs détracteurs, à l’islamophobie.

Une critique dont les participants n’avaient visiblement cure. « Islamophobie », c’est « un mot scandaleux », « une arnaque », a lancé sur scène le philosophe Raphaël Enthoven, s’en prenant vivement à cet « adversaire considérable » qui confond « la critique d’un dogme et le racisme d’un groupe humain » et « met dans le même panier Cabu et Jean-Marie Le Pen ».

« Une partie de la gauche complice »

Charlie Hebdo « aura réussi à normaliser l’islam, ce dont ne veulent ni les islamo-gauchistes, pour qui l’islam est un prolétariat de substitution, ni les fanatiques », a considéré de son côté le philosophe Pascal Bruckner. L’essayiste Caroline Fourest a elle justifié le fait que personne n’ait été invité à porter la contradiction dans les débats. Elle a jugé que les personnalités qu’on lui cite régulièrement pour cet exercice « continuent à insulter Charlie » après la mort d’une partie de sa rédaction. « On va continuer à s’excuser. Pardon, mais on est encore Charlie », a-t-elle conclu, très applaudie.

La philosophe Elisabeth Badinter, véritable « star » de la journée, acclamée par la salle, a pris la parole pour stigmatiser « une partie de la gauche » selon elle « complice de ceux qui cherchent à détruire la loi de 1905 (sur la laïcité) ».

« La gauche a laissé le FN et ses satellites s’emparer des combats qui avaient toujours été les siens. Facile, après, de taxer Charlie de racisme et d’islamophobie. Le travail d’intimidation des islamistes et de culpabilisation des gauchistes n’est pas resté sans effets. »

Une séquence de témoignages « Être toujours Charlie en Seine-Saint-Denis », très critiquée avant la tenue de la journée, a elle aussi mis en avant la nécessité de faire respecter le principe de laïcité, en particulier dans les banlieues. Véronique Corazza, principale de collège à Saint-Denis, a ainsi insisté sur la « lutte contre l’intrusion d’idéologie » en milieu scolaire. Elle a dénoncé des « associations d’aide aux devoirs qui cachent des écoles intégristes clandestines » ou donné l’exemple d’un assistant d’éducation qu’elle a dû licencier car il refusait de serrer la main des femmes.

Trois ans après les attentats, « l’unanimité de janvier 2015 s’est émoussée » a déploré Mario Stasi, le président de la Licra. Un sondage Ifop présenté lors de la journée montre que 61 % des Français se sentent encore « Charlie », contre 71 % il y a un an.