Certains l’appellent la « smart car », cette voiture pour laquelle le contenant (l’objet automobile) sera moins important que le contenu (les logiciels, les algorithmes et la capacité de connexion). Ce véhicule ultra-performant (il sait conduire, il vous connaît mieux que vous-même, il est connectable et connecté) n’existe pas tout à fait encore. Mais cela ne l’empêche pas d’être l’une des vedettes incontestables du Consumer Electronics Show (CES) de Las Vegas, qui a ouvert ses portes mardi 9 janvier.

Pas de doute, le « smartphone sur roues » ouvre grand l’appétit des équipementiers automobiles mondiaux. Il faut dire que leur destin se joue dans cette alternative : péricliter ou s’arroger une bonne part d’un marché mondial de la voiture connectée et autonome estimé à 900 milliards d’euros dans une grosse quinzaine d’année si l’on en croit une étude du ministère des transports britannique datant de septembre 2017.

Intelligence artificielle

Cette voiture a évidemment un cerveau : il est constitué des algorithmes classiques mais aussi d’intelligence artificielle ou « machine learning ». L’équipementier français Valeo fait ainsi rouler, en première mondiale, sur les larges avenues de Las Vegas, un véhicule, mis au point avec la société spécialisée Cloud Made, qui est capable de conduire tout seul, et non à partir de schémas préétablis gérés ensuite par des algorithmes. « Il s’agit d’un pas technologique majeur, explique Marc Vrecko, directeur du pôle d’aide à la conduite de Valeo. Le véhicule apprend de lui-même à partir de sa propre expérience. »

L’équipementier allemand ZF, de son côté, annonce être en mesure de lancer en production un boîtier de commande doté d’intelligence artificielle, mis au point avec l’un des grands spécialistes du sujet, la société californienne NVidia, et permettant une expérience de voiture autonome très avancée. Un constructeur chinois, dont le nom n’a pas été dévoilé, sera le premier à installer ce boîtier sur un de ses véhicules, grâce à un projet de collaboration entre ZF, NVidia et Baidu, le Google chinois.

Robots taxis

De tels sauts technologiques vont faciliter le développement des flottes de taxis sans chauffeur. Valeo, encore lui, fait fonctionner sur ses pistes d’essai le tout nouveau véhicule de la start-up Navya, dont il est l’un des actionnaires principaux avec Keolis, l’opérateur de transport filiale de la SNCF. Cette sorte de gros monospace sans volant ni pédales va être testée à grande échelle dans les semaines qui viennent. L’engin est équipé des scanners lasers (lidar) de Valeo, qui sont aujourd’hui les moins chers du marché

Mais à Las Vegas, c’est surtout la start-up américaine Lyft, équivalent de Uber, qui fait le buzz autour des robots taxis. Avec l’appui technologique de l’équipementier américain Aptiv (ex-Delphi), Lyft propose aux participants au CES un service de taxi sans conducteur (mais pas sans personne au volant) pour une vingtaine de destinations.

Parking délégué

Autre développement facilité par l’explosion de l’intelligence automobile : la robotisation du stationnement. L’équipementier numéro un mondial, Bosch, propose de mettre fin à la corvée du parking, une solution qui existe déjà chez Valeo depuis plusieurs mois. Il s’agit d’aider les conducteurs à trouver un emplacement dans les parkings urbains. La personne laisse sa voiture à l’entrée et le véhicule activé par une application part se garer ou revient de stationnement en payant sa place directement à la barrière.

L’expérience réalisée avec plusieurs constructeurs (Bosch n’a toutefois pas précisé lesquels) sera tentée cette année dans une vingtaine de villes américaines, dont Los Angeles, Miami et Boston.

Révolution dans l’habitacle

C’est la « nouvelle frontière » de la voiture, dans la perspective de son autonomie à venir : l’espace intérieur. Le premier équipementier français, Faurecia, qui a pour la première fois un stand à lui à Las Vegas, a décidé de mettre le paquet sur le marché du cockpit du futur. Un marché que son directeur général, Patrick Koller, estime à 40 milliards d’euros en 2030.

Sièges adaptables automatiquement à chaque personne, commande à la voix et au geste, capteurs physiologiques prédictifs, réorganisation des airbags et des ceintures de sécurité dans un habitacle où les sièges pivoteront sur eux-mêmes… Le cockpit ne sera plus jamais comme avant.

Pour y parvenir, Faurecia s’appuie sur de nombreux partenariats. On connaissait, depuis l’an dernier, l’alliance avec ZF dans les sièges et les ceintures de sécurité. M. Koller a annoncé lundi 8 janvier à Las Vegas, un partenariat avec Amazon pour intégrer dans les cockpits de Faurecia Alexa, l’assistant vocal intelligent du géant du Web. Faurecia a dévoilé également une alliance avec le géant du conseil Accenture, qui participera à la mise au point de la stratégie numérique de l’équipementier français.

En face, Valeo se lance aussi sur ce marché de l’habitacle intelligent. L’équipementier présente sur son stand un système permettant d’adapter automatiquement le confort (pureté de l’air, température, éclairage, parfums d’ambiance) en fonction des conditions détectées : pollution, chaleur, humeur des occupants. « L’équipement intérieur était un marché pauvre que nous ne souhaitions pas occuper, il devient un marché riche », résume Jacques Aschenbroich, le PDG de Valeo

Véhicules innovants

Enfin on voit, à Las Vegas, les équipementiers proposer des véhicules entiers de leur conception. C’est le cas du groupe allemand Continental, avec son concept BEE (Balanced Economy Ecology). Un petit engin à deux places, à peine plus gros qu’un scooter, totalement autonome et électrique et conçu pour rouler sur une demi-voie.

Valeo a aussi sa petite auto développée avec l’université de Shanghai : un prototype de voiture citadine 100 % électrique, présentée comme la première à fonctionner sous basse tension électrique, ce qui abaisse considérablement son prix de revient. Avec ses deux places elle peut parcourir 100 kilomètres à 100 km/h maximum, ce qui suffit pour les trajets du quotidien en zone urbaine, selon les responsables du groupe.

Pour autant, ni Valeo ni Continental n’ont l’intention de se substituer à leurs clients constructeurs en se lançant dans la fabrication de véhicules, ont précisé les dirigeants des deux sociétés.