Le 4x4 diesel Land Rover Discovery, le 28 novembre 2017 à Los Angeles. / Neilson Barnard / AFP

Jaguar Land Rover (JLR) a osé dire tout haut ce que beaucoup de dirigeants de l’industrie automobile pensent tout bas. En présentant lundi 9 janvier ses ventes annuelles pour 2017, Andrew Goss, le directeur commercial du premier groupe automobile britannique, détenu par l’indien Tata, s’est lancé dans une attaque en règle contre la politique anti-diesel.

Les hausses fiscales imposées sur le diesel dans différents pays européens sont « une mauvaise idée », estime-t-il. Son principal argument concerne paradoxalement l’environnement : si les moteurs essence émettent moins de particules fines, ils rejettent en revanche plus de CO2. C’est d’ailleurs pour cette raison que les gouvernements européens avaient poussé la technologie diesel depuis une quinzaine d’années. « Si plus de véhicules essence se retrouvent sur les routes, les émissions de CO2 vont augmenter », avertit M. Goss. En clair, les villes seront peut-être moins asphyxiées, mais le réchauffement climatique en sera accéléré. Le dirigeant de JLR reproche aux dirigeants politiques européens d’être « légèrement aveuglés » par la controverse du dieselgate.

Depuis le scandale, les gouvernements européens ont introduit dans l’urgence des mesures de rétorsion. Au Royaume-Uni, une nouvelle taxe va être mise en place en avril, ajoutant environ 400 livres (450 euros) sur un 4x4 diesel comme le Land Rover Discovery. « Il y a une prolifération de politiques fiscales [anti-diesel] à travers l’Europe qui complique la tâche des constructeurs automobiles », poursuit M. Goss.

Retard dans le passage aux véhicules électriques ou hybrides

En Europe, la grande majorité des véhicules vendus par JLR est diesel, même si le constructeur refuse de donner la proportion exacte de ses ventes. Entre les voitures de luxe de Jaguar et les 4x4 de Land Rover, le groupe s’adresse à des clients qui aiment les gros véhicules et les moteurs puissants, et il a pris du retard dans le passage aux véhicules électriques ou hybrides. Dans ce contexte, l’effondrement de la part de marché du diesel touche le constructeur de plein fouet. Au Royaume-Uni, les ventes de diesel ont baissé de 17 % en 2017. Tous les autres pays européens connaissent des chutes similaires, à l’exception notoire de l’Italie. « Nous voulons tous une baisse des émissions de [particules fines] et de CO2, mais nous ne voulons pas de surprise avec des changements soudain de politique », plaide M. Goss.

Le directeur des ventes de JLR met aussi en avant l’avantage financier du diesel, dont les moteurs consomment moins. « Les entreprises ont vraiment changé leurs achats, s’éloignant du diesel, mais pour les particuliers, la tendance est moins forte. Pour eux, les économies réalisées sur la consommation demeurent importantes. » Selon les calculs de la Society of Motors Manufacturers and Traders, l’association représentant le secteur automobile au Royaume-Uni, une 4x4 diesel économise en moyenne 350 à 450 euros en carburant chaque année.

JLR lance cette attaque frontale alors que le groupe a signé un record de ventes en 2017, avec 621 000 véhicules écoulés, en hausse de 7 %. Il s’agit de la septième année consécutive de progression, et cela correspond à un triplement des ventes par rapport à 2009.

Un marché mondial à deux vitesses

Cette croissance cache cependant un marché mondial à deux vitesses. Les ventes en Chine, le premier marché du groupe, ont bondi de 23 %, à presque 150 000 véhicules. Les luxueuses Jaguar rencontrent en particulier un fort succès, en hausse de 47 %. L’Amérique du Nord est également en forme (+ 9 %). Dans ces deux marchés, le diesel est quasiment inexistant, et la controverse européenne n’a donc aucun impact.

En revanche, au Royaume-Uni et en Europe continentale, le nombre de véhicules écoulés par le groupe a stagné par rapport à 2016, à 117 000 et 138 000 respectivement. C’est particulièrement inquiétant en Europe continentale, où le marché progresse malgré tout.

Sur le Brexit enfin, JLR se dit aujourd’hui encore dans le brouillard le plus complet. Interrogé par Le Monde pour savoir s’il y voit plus clair sur les conséquences de la sortie de l’Union européenne pour son groupe, M. Goss est catégorique : « Non. Et vous ? » Le groupe, qui exporte 80 % de sa production britannique, n’a pour l’instant pris aucune mesure pour compenser d’éventuels futurs droits de douane. Coup de chance, une nouvelle usine en Slovaquie, dont la construction a été décidée en 2015, bien avant le Brexit, sera terminée au quatrième trimestre 2018, permettant le cas échéant de contourner le problème. « De toute façon, notre marché le plus important est la Chine », tempère M. Goss.