D’intenses tirs de fusils et d’armes lourdes ont éclaté, mardi 9 janvier au soir, entre factions rivales de l’armée ivoirienne dans des bases militaires situées dans la deuxième ville du pays, Bouaké, ont rapporté des habitants et des militaires. « J’entends des tirs très intenses d’armes automatiques, a dit un habitant de la ville, Georges Kouamé, à Reuters. Il y a également des explosions, dues à des armes lourdes. »

Selon l’AFP, les tirs ont commencé vers 19 heures dans le quartier de Sokoura, alors que d’autres tirs ont été signalés par des témoins dans le quartier d’Air France 3, près du centre-ville, poussant les habitants à rentrer chez eux et la plupart des commerces à fermer.

Des tirs avaient déjà été entendus dans la nuit de dimanche à lundi, samedi et surtout dans la nuit de jeudi à vendredi, lorsqu’un soldat a été tué et un autre blessé au cours d’échanges de tirs entre des forces de défense et de sécurité. Il s’agissait de « différends personnels » entre membres de corps différents, selon une source militaire. Le ministère de la défense a annoncé avoir ouvert une enquête sur l’affaire.

Bouaké avait été en 2017 au cœur de plusieurs mois de mutineries d’éléments de l’armée, qui s’étaient propagées à des villes de l’ensemble du pays. Certains anciens mutins ont dit à Reuters croire que des hommes de l’unité d’élite CCDO avaient été dépêchés à Bouaké pour les espionner. « En ce moment, nous encerclons le camp de CCDO et des échanges de tirs se font entendre, a dit l’un des chefs des ex-mutins. Ils doivent quitter la ville, sans quoi nous les y contraindrons. » Selon une source proche des services de sécurité de la région, le gouvernement avait dépêché dans la journée 200 militaires pour renforcer ses positions dans Bouaké.

« Son devoir »

Jeudi, le général Sekou Touré, chef d’état-major des armées ivoiriennes, avait présenté ses « excuses à la nation » pour les mutineries qui avaient ébranlé le pays en 2017 et promis qu’en 2018 l’armée remplirait « son devoir ».

D’anciens rebelles intégrés dans l’armée s’étaient mutinés en janvier et en mai 2017, obtenant finalement le paiement de 12 millions de francs CFA (18 000 euros) pour chacun des 8 400 d’entre eux. Cette crise a terni l’image de stabilité retrouvée du pays après la crise politico-militaire de 2010-2011 et fragilisé le président Alassane Ouattara et l’équipe gouvernementale. Dans son allocution télévisée du Nouvel An, M. Ouattara a affirmé sa volonté de transformer l’armée en une force « véritablement républicaine ».

Fin décembre, un millier de militaires ont quitté l’armée dans le cadre d’une réforme. L’armée ivoirienne comptait avant ce départ 23 000 hommes du rang (dont 13 000 issus de la rébellion qui a tenu le nord du pays de 2002 à 2011) et 15 000 sous-officiers, a-t-on indiqué de source militaire. Les autorités avaient promu massivement des militaires du rang en intégrant d’anciens rebelles. Les experts estiment qu’une armée doit avoir de 20 % à 30 % de sous-officiers et 65 % à 70 % de militaires du rang.