L’entrée du « Donald J. Trump Presidential Twitter Library » à New York, le 16 juin 2017. Une exposition éphémère organisée par l’émission satirique « The Daily Show » autour des Tweet du président américain, organisée tout près de la Trump Tower, à Manhattan. / Christina Horsten / dpa/picture-alliance

Chronique. C’est en s’inscrivant sur Twitter en 2009, à l’occasion de la promotion d’un livre, que Donald Trump, l’homme d’affaires, était entré dans le carnaval médiatique en y dégommant les stars d’Hollywood, les reality-shows de ses concurrents et en assurant que Barack Obama n’était pas né aux Etats-Unis. C’est notamment grâce au porte-voix de Twitter que Donald Trump, le candidat, avait réussi à remporter une élection sans parti ni appareil politique. Et c’est encore avec son compte Twitter que Donald Trump, le président, impose le sujet de la polémique du jour. Où, ailleurs que devant le siège de Twitter à New York, des manifestants pouvaient-ils se rassembler ce jeudi soir pour appeler à sa destitution ?

La veille, sur le groupe Facebook de Rise and Resist, une personne a demandé si la manif serait annulée à cause des conditions météo. « Ça ne devrait pas IMHO », a répondu une autre. « IMHO » pour « In my humble opinion » (« à mon humble avis »). « Ce qu’il faudrait, c’est qu’il y ait plus de participants que de degrés… », fait remarquer une des membres du groupe en arrivant sur les lieux. Il fait moins huit en degrés Celsius. Dix-sept en degrés Fahrenheit et les anti-Trump sont bien une vingtaine. « Mais je reconnais ce sourire… », lance un militant voyant arriver une autre momie sous un passe-montagne. Une femme a pensé à apporter des chaufferettes, un autre fait tourner un sachet de cookies faits maison, « il faut faire des réserves d’énergie dans ce froid ».

Discours politique versus Tweet compulsifs

Sur le trottoir, un des manifestants, venu en manteau et cravate rouge présidentiel, vient d’enfiler une perruque blonde. Comme ça, il ne ressemble que confusément au locataire de la Maison Blanche. Mais, s’il faisait une grimace de la bouche et plissait les yeux, on s’y croirait. A côté de lui, un autre a imprimé des photos des présidents précédents qu’il brandit en lisant leurs déclarations. Le duo alterne entre la lecture de Tweet de Trump et de mots de ses prédécesseurs. Theodore Roosevelt soutenant l’idée que la presse puisse enquêter sur les forces politiques et économiques, puis Trump fulminant en majuscules contre les « fake news » et les médias « ennemis du peuple américain ».

L’un lit du Obama : « Les patriotes de 1776 ne se sont pas battus pour remplacer la tyrannie d’un roi par les privilèges de quelques-uns ou par la loi du plus fort. Ils nous ont donné une république, un gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple, confiant à chaque génération la tâche de préserver notre credo fondateur. » Son acolyte reprend le « A lot of bad “dudes” out there ! » (« beaucoup de sales types là-bas ») de Trump, à propos du décret interdisant l’entrée sur le territoire américain aux ressortissants de sept pays à majorité musulmane.

Une militante anti-Trump bravant le froid lors d’un rassemblement devant le siège de Twitter, à New York, le 28 décembre 2017. / Guillemette Faure

En novembre 2016, une semaine après avoir gagné les élections, Trump affirmait sur CNN ne pas être certain de continuer à tweeter une fois en poste. Dans tous les cas, « Je serai très modéré si jamais je l’utilise, je serai très contenu… » Pour ses quarante-cinq millions de followers, le flot continue, les Tweet les plus désinhibés surgissant le matin et le week-end, aux heures où le chef de l’Etat n’est pas entouré. On peut s’en faire une idée dans Trumpitudes et turpitudes (Grasset, 2018), où le journaliste Philippe Corbé les a compilés. Jamais un président n’aura à ce point offert un accès direct à ses émotions et à ses impulsions.

Conditions d’utilisation

A New York, devant la porte vitrée de Twitter, une militante rappelle les comportements honorables des présidents précédents, y compris celui de George W. Bush qui se rendit dans une mosquée six jours après les attentats du 11 septembre 2001. Si on avait dit aux anti-Bush des années 2000 qu’un futur président justifierait que leur adversaire soit cité pour sa décence… Deux personnes sortent de l’immeuble. « C’est gentil de venir avec nous dans le froid », dit un manifestant. Mais les représentants du réseau social partent à la rencontre des quatre voitures de police qui ont eu la gentillesse de se déplacer pour vingt protestataires, dont l’un muni d’un sachet de cookies.

« On a besoin d’un leader, pas d’un effrayant tweeto. » Un manifestant anti-Trump

Quand Trump menace la Corée du Nord, poste des remarques islamophobes ou insulte à tout-va, des utilisateurs appellent régulièrement Twitter à l’exclure au nom de leurs « terms of service » interdisant le harcèlement et les discours haineux. « D’autres se sont fait fermer leur compte pour moins que ça », note Martin Quinn, de Rise and Resist. « Twitter a décidé que l’audience que Trump lui apportait était plus importante que de maintenir leurs principes, leur éthique et leurs conditions d’utilisation… », a écrit un ancien fan du réseau sur le blog Medium.

« We need a leader, not a creepy tweeter » (« On a besoin d’un leader, pas d’un effrayant tweeto »), scandent encore les manifestants. Ils ont quitté les lieux quand, quelques heures plus tard, Donald Trump tweete : « La Côte est pourrait connaître le réveillon de Nouvel An le plus froid jamais enregistré. Peut-être pourrions-nous profiter de ce bon vieux réchauffement climatique contre lequel notre pays s’apprêtait à dépenser des milliards de dollars afin de s’en protéger. Couvrez-vous ! »