Ikea France risque de devoir comparaître devant une juridiction pénale au cours des prochains mois. Le parquet du tribunal de grande instance de Versailles vient de rendre son réquisitoire définitif dans le cadre de l’enquête visant le distributeur de meubles, accusé de s’être renseigné illégalement sur les éventuels antécédents judiciaires de son personnel.

Selon une source proche du dossier, le ministère public recommande le renvoi en correctionnelle de quinze personnes physiques et d’une personne morale, la chaîne de magasins implantés dans l’Hexagone, en l’occurrence.

« Recel habituel »

Ikea se voit reprocher le « recel habituel » de quatre infractions, notamment celle liée à la « collecte de données à caractère personnel contenues dans un fichier par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite ».

Autrement dit, l’enseigne est accusée d’avoir obtenu des informations figurant dans le STIC, un fichier des services de police répertoriant les auteurs et les victimes d’infractions.

En produisant son réquisitoire définitif, le parquet de Versailles donne sa position sur les suites qu’il convient de donner, selon lui, à cette procédure mais c’est, in fine, au magistrat instructeur, Laurence Joulin, de décider s’il faut juger les seize protagonistes. Sa décision, qui ne sera pas connue avant plusieurs mois, devrait, toutefois aller dans le même sens.

Dans cette affaire hors normes, qui a éclaté en février 2012, le distributeur est soupçonné d’avoir contrôlé le pedigree judiciaire d’une partie de ses salariés et de personnes désireuses d’être embauchées. L’instruction, ouverte il y a presque six ans, laisse à penser que Ikea a fait appel à au moins un prestataire extérieur et à des policiers qui consultaient le STIC.

Renvoi en correctionnelle requis pour plusieurs policiers

D’après l’ancien responsable sécurité d’Ikea France, Jean-François Paris, ces vérifications, d’abord effectuées au fil de l’eau, se sont généralisées à partir du milieu des années 2000, à la demande de Jean-Louis Baillot, le patron de l’enseigne en France de 1996 à fin 2009. Ce que ce dernier a contesté, lorsqu’il a été auditionné durant l’enquête, en faisant valoir que ces pratiques auraient peut-être prospéré à la faveur d’« instructions » données par la direction internationale d’Ikea à M. Paris (Le Monde du 14 janvier 2014). Quoi qu’il en soit, M. Baillot et M. Paris ont été mis en examen, tout comme Stefan Vanoverbeke, directeur général d’Ikea France de 2010 à 2015.

Plusieurs policiers ont subi le même sort car ils avaient donné des renseignements sur des personnes en consultant le fichier STIC. Le parquet a d’ailleurs requis leur renvoi en correctionnelle pour « violations du secret professionnel », « divulgations illicites d’informations personnelles traitées » et « détournements de finalité des informations personnelles traitées ».