L’ancien premier ministre espagnol, Jose Luis Zapatero (à droite), lors d’une précédente sessions de négociations pour régler la crise vénézuélienne, à Saint-Domingue, le 13 septembre 2017. / ERIKA SANTELICES/AFP

Les négociations entre le régime chaviste et l’opposition vénézuélienne ressemblent à un serpent de mer, à peine entrevu et aussitôt submergé par le flot des événements. Les deux parties ont rendez-vous à Saint-Domingue, les jeudi 11 et vendredi 12 janvier, pour un troisième round de discussions. Les deux premières sessions, en novembre et décembre 2017, n’avaient permis aucune avancée.

Depuis l’élection controversée de Nicolas Maduro à la présidence du Venezuela, en 2013, plusieurs autres tentatives de médiation ont échoué. En 2016, une amorce de dialogue avait eu lieu sous l’égide du Vatican et de l’Union des nations sud-américaines. Mais le Saint-Siège semble, depuis, avoir jeté l’éponge. Dans une lettre sévère adressée au gouvernement, le Vatican a reproché à Nicolas Maduro de ne pas tenir ses engagements et d’avoir aggravé l’impasse avec son Assemblée constituante, élue le 30 juillet 2017 lors d’un scrutin sur mesure qui n’a pas été validé par la communauté internationale, et destinée à verrouiller davantage la marge de manœuvre infime des opposants.

L’assignation à résidence de l’opposant Leopoldo Lopez, qui est resté enfermé plus de trois ans dans une prison militaire, est le seul résultat palpable obtenu par l’ancien président socialiste espagnol José Luis Rodriguez Zapatero, qui a fait plusieurs voyages à Caracas pour jouer les médiateurs. Les opposants, qui le jugeaient trop dépendant de Nicolas Maduro, ont fini par le récuser.

Lorsque les contacts ont repris à Saint-Domingue en 2017, le Mexique et le Chili ont été choisis par l’opposition comme facilitateurs, tandis que le pouvoir faisait appel à ses alliés, la Bolivie et le Nicaragua. Ces tractations n’ont abouti qu’à la libération d’une quarantaine de prisonniers politiques à Noël. Les Mexicains et les Chiliens songent à quitter la table des négociations, faute d’avancées.

Le chavisme n’accepte pas l’alternance

Le Forum pénal vénézuélien, une association d’avocats qui est la référence en la matière, estime qu’il reste plus de 200 détenus politiques dans les prisons, parfois dans des conditions indignes. Ceux qui ont été relâchés sont toujours sous le coup d’une inculpation, alors que les tribunaux ne respectent pas les droits de la défense.

Cette question des prisonniers politiques est cruciale pour la crédibilité des négociations. Pour l’opposition, les fraudes orchestrées par les autorités lors des deux scrutins de 2017, l’Assemblée constituante et les régionales, rendent urgente une réforme du Conseil national électoral (CNE). D’autant que 2018 est l’année prévue pour la présidentielle.

Or, le chavisme n’accepte pas l’alternance politique. La large victoire des opposants aux élections législatives de 2015 a suscité un blocage institutionnel. Ni l’exécutif ni la Cour suprême, contrôlés par le pouvoir, ne reconnaissent le Parlement, où l’opposition est majoritaire. « Une révolution ne cède pas le pouvoir », martèlent les dirigeants. C’est dire l’enjeu et la difficulté d’obtenir un scrutin présidentiel équitable, honnête, sous surveillance internationale, ce que réclame l’opposition, et qui serait la seule chance pour elle de reprendre la main.

Difficulté supplémentaire, la recherche d’une issue négociée de l’impasse politique a lieu dans un contexte de crise économique et sociale sans précédent. La famine, les pénuries, l’hyperinflation réduisent la base électorale du chavisme, mais déstabilisent aussi l’opposition, divisée, et qui ne parvient pas à donner un débouché politique à la grogne sociale.

Pression internationale et sanctions

Les opposants, mais aussi l’Eglise catholique et les chancelleries occidentales, demandent l’ouverture d’un « canal humanitaire » pour faire parvenir aux Vénézuéliens les plus vulnérables les aliments et les médicaments dont ils manquent cruellement. Le régime refuse, pour ne pas avouer son échec : puissance pétrolière, le Venezuela chaviste est devenu une nation plongée dans la misère et le dénouement.

L’immense majorité des opposants sont favorables à une négociation autour de ces objectifs : libération des prisonniers politiques, autorisation de l’aide humanitaire, rétablissement des prérogatives du Parlement, réforme du CNE et organisation d’une élection présidentielle sans fraude ni interdiction de candidatures, et avec des observateurs étrangers. Des francs-tireurs, comme l’ancienne député Maria Corina Machado ou l’ancien maire de Caracas Antonio Ledezma, qui a fui le Venezuela en novembre 2017, refusent néanmoins toute négociation avec le gouvernement, mais sans proposer une alternative.

Toutefois, la pression internationale et les sanctions n’ont pas amené le régime chaviste à négocier sérieusement. D’autant que son principal allié, Cuba, a toujours besoin du brut vénézuélien et des pétrodollars fournis par Caracas. Nicolas Maduro compte aussi avec le soutien de la Russie et de la Chine, prêts à lui accorder des rallonges contre la concession des ressources pétrolières et minières du pays.

La politologue Colette Capriles, de l’université Simon-Bolivar, a participé aux réunions de Saint-Domingue aux côtés des opposants. « Si la négociation échoue, nous, les Vénézuéliens, nous aurons tous des problèmes », assure-t-elle.