La traversée de la mer Méditerranée sur une embarcation de fortune. / Dessins sans papiers/Le voyage de Hafiz El Sudani

Au Soudan, où il a vécu jusqu’à l’âge de 25 ans, Hafiz Adem n’a pas le souvenir d’avoir un jour dessiné, sauf à l’école. Peu de temps après son arrivée à Paris, porte de La Chapelle, où il dormait dehors, des feutres lui ont été confiés par une association d’aide aux migrants, Dessins sans papiers. Celle-ci organise des ateliers de dessin dans les camps de réfugiés et les centres d’hébergement de la capitale. C’était en mars 2017. Le jeune homme s’est pris au jeu. Dans un petit ouvrage édité par l’association, Le Voyage de Hafiz El Sudani, il raconte son parcours migratoire à travers une série d’illustrations qui, derrière une naïveté apparente, témoignent d’un sens inné de la couleur et de la composition.

La traversée du désert soudanais en direction de la Libye. / Dessins sans papiers/Le voyage de Hafiz El Sudani

Hafiz Adem y relate, dans le détail, tout ce qu’il a vécu au cours de ces deux dernières années. Son arrestation par la police qui le soupçonne d’avoir participé à l’assassinat d’un inconnu retrouvé mort dans un local associatif de son village, l’exécution de son frère aîné Moussa, les sévices perpétrés par les tortionnaires du régime d’Omar Al-Bachir, son évasion de la prison de Kordofan, sa fuite dans le désert libyen, sa traversée de la Méditerranée à bord d’un canot de fortune, le sauvetage de celui-ci par les gardes-côtes italiens…

Ne parlant pas un mot de français à son arrivée à Paris, ce fils de cultivateur s’est révélé dans le dessin, qu’il pratique depuis sans relâche. A mi-chemin entre BD et art brut, son récit a tapé dans l’œil du peintre Hervé Di Rosa. « A un moment, son dessin se déploie, envahissant la page, les couleurs scintillent comme un feu d’artifice et alors apparaissent des fleurs, des champs, des animaux, des visages de femmes, qui rappellent les manuscrits anciens de ces terres, berceau de l’humanité », écrit-il dans la postface de l’ouvrage (disponible sur le compte Facebook de l’association, 11 euros plus 3 euros de frais de port).

Torture dans la prison de Kordofan, au Soudan. / Dessins sans papiers/Le voyage de Hafiz El Sudani

Di Rosa accueillera en résidence Hafiz Adam, en avril, dans son Musée international des arts modestes, à Sète. Le candidat à une demande d’asile s’étonne de l’intérêt qu’on porte à ses illustrations, « qui ressemblent encore trop à des dessins d’enfant », dit-il.


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