Aussi universelle que le mouvement #MeToo qu’elle entend critiquer, la tribune de cent femmes françaises publiée dans Le Monde, le 10 janvier, passionne la presse internationale. Depuis sa parution, elle est abondamment traduite et commentée à travers le monde.

Ce texte, défendant la « liberté » des hommes « d’importuner » les femmes et dénonçant un « féminisme qui prend le visage d’une haine des hommes et de la sexualité », y est parfois résumé à la naissance d’un mouvement « contre le puritanisme » mené par l’actrice Catherine Deneuve, signataire la plus célèbre à l’étranger. Comme les journaux britanniques, The Telegraph ou The Guardian, beaucoup de médias soulignent au passage qu’elle est « surtout connue pour avoir joué le rôle d’une prostituée dans le film de Buñuel, Belle de jour, en 1967 » ; ils évoquent aussi ses critiques lors du lancement du mot-clé #MeToo, en octobre, dans la foulée des révélations sur le producteur américain Harvey Weinstein.

De même, le journal brésilien Folha de Sao Paulo, à l’unisson d’autres médias à travers le monde, rappelle la polémique qu’avait suscitée Mme Deneuve en mars, lorsqu’elle avait pris la défense du cinéaste Roman Polanski, accusé de viol sur mineur aux Etats-Unis depuis les années 1970. Mais le quotidien italien La Repubblica livre la réaction de la victime présumée de M. Polanski. Samantha Geimer, qui a depuis pardonné à son agresseur, apporte son soutien à la tribune française : « Je suis totalement d’accord avec Catherine Deneuve. Les femmes ont besoin d’égalité, de respect et de liberté sexuelle. Ce que nous obtenons par nous-mêmes (…). Pas en demandant à d’autres de nous protéger », écrit-elle sur Twitter.

Concomitance avec les Golden Globes

L’intérêt pour ce texte s’explique aussi par la concomitance de sa publication avec le soutien au mouvement #MeToo affiché lors de la remise des Golden Globes, dimanche 7, à Los Angeles, ainsi que le soulignent El Pais en Espagne ou le New York Times aux Etats-Unis. Au cours de cette soirée hollywoodienne, inspirées par la campagne Time’s up, plusieurs centaines d’actrices vêtues de noir ont témoigné de leur solidarité avec les femmes victimes d’agressions sexuelles. L’une des figures de ce mouvement, Asia Argento, s’est empressée d’attaquer les signataires françaises sur Twitter :

La radio publique américaine NPR évoque elle « le débat qui fait rage en France » après la publication de la tribune, tandis que de nombreux journaux font aussi état de la réponse qu’ont apportée à ce texte les associations féministes françaises. Quant à la BBC, elle explique que la polémique met aux prises deux générations de féministes : les plus âgées « qui voient dans #MeToo une menace pour la libération sexuelle obtenue dans les années 1960 » et les plus jeunes pour qui « la lutte contre le harcèlement sexuel constitue la dernière étape dans le combat des droits de femmes ».

Sous le titre #moiaussi, le magazine allemand Der Spiegel profite de ces passes d’armes pour revenir longuement sur le « débat sur le sexisme » suscité en France depuis plusieurs mois par l’affaire Weinstein. En Allemagne toujours, la Süddeutsche Zeitung propose une lecture plus nuancée de la polémique suscitée par la tribune française et se félicite que des femmes défendent un tel point de vue : « La contribution venue de France est importante pour faire en sorte que #MeToo ne soit pas perçu comme un mouvement unilatéral des femmes contre les hommes. » En conclusion de l’article, le journal propose même un sondage express : les critiques françaises envers #MeToo sont-elles légitimes ?