Trente-huit migrants, essentiellement soudanais, ont déposé plainte jeudi 11 janvier auprès du procureur de Pau, pour « actes de torture et traitements humains dégradants », qu’ils auraient subis à leur arrivée en Italie, a-t-on appris auprès de l’une de leurs avocats, Isabelle Casau.

Ces 37 Soudanais et un Erythréen sont presque tous arrivés par la mer via la Libye, accostant sur l’île de Lampedusa ou directement en Sicile, où ils ont d’abord refusé de donner leurs empreintes, comme le règlement communautaire dit « Dublin » le prévoit, de manière à ce que le pays d’arrivée d’un migrant dans l’Union européenne (UE) soit aussi celui qui gère sa demande d’asile. Face à ce refus, ces 38 migrants « ont été maltraités, d’autres battus, très souvent emprisonnés arbitrairement, victimes de chantage, privés d’eau et de nourriture », assure Me Casau, selon qui deux d’entre eux relatent des faits de torture, « l’un ayant eu un bras cassé et l’autre les testicules broyés ».

La préfecture prépare leur retour en Italie

Transférés dans des camps une fois leurs empreintes finalement prises, ces migrants, tous considérés comme majeurs, se sont enfuis et, durant la mi-2017, ont gagné la France via Vintimille, voulant aujourd’hui rester dans le pays, explique l’avocate. Or la préfecture prépare aujourd’hui leur retour en Italie, pays d’arrivée. Ils sont hébergés dans un centre de la commune de Gelos (Pyrénées-Atlantique) et dans un ancien hôtel Formule 1 de Pau, dans le cadre du Prahda (programme d’accueil et d’hébergement des demandeurs d’asile).

Chaque plainte vise « les personnes physiques qui ont commis ces tortures, traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que leurs responsables administratifs et politiques italiens », selon l’un de ces documents qu’a pu consulter l’Agence France-Presse. Le tribunal de Pau est-il compétent ? « Les atteintes sont tellement graves qu’il y a compétence universelle de toutes les juridictions », assure Me Casau, qui argue que la justice peut « au moins entendre » les migrants. Les plaintes s’appuient notamment sur le code pénal français, la Convention européenne des droits de l’homme et la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptée dans le cadre des Nations unies.

Le règlement Dublin

Le règlement européen Dublin III du 26 juin 2013 établit que, sauf critères familiaux, le pays responsable de la demande d’asile d’un migrant est le premier pays qui l’a contrôlé. Ses empreintes sont enregistrées dans le fichier Eurodac.

La procédure. Un migrant qui veut faire une demande d’asile en France doit d’abord s’enregistrer à la préfecture, qui consulte Eurodac pour déterminer si un autre pays est responsable. Si c’est le cas, le migrant est placé en « procédure Dublin », le temps de demander à l’État responsable de le reprendre. Durant cette période, il dispose de certains droits (dont l’allocation pour demandeur d’asile) mais peut être assigné à résidence ou placé en rétention. S’il ne se rend pas à plusieurs convocations, il est déclaré « en fuite » et perd ses droits.

Le transfert peut être décidé si l’État responsable donne son accord. Si cette expulsion n’est pas réalisée dans les six mois après la réponse (dix-huit mois en cas de fuite), le migrant peut faire sa demande d’asile en France.