Christian Ganczarski a été admis en 2015 au centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil. Ouvert un an plus tôt, cet établissement accueille en priorité les détenus qui nécessitent une surveillance particulière. / Michel Spingler / AP

Trois surveillants du centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais) ont été blessés à l’arme blanche, jeudi 11 janvier, par un détenu allemand d’origine polonaise condamné pour terrorisme, Christian Ganczarski, âgé de 52 ans. L’information, révélée par le quotidien régional Le Parisien, a été confirmée au Monde par la direction de l’administration pénitentiaire.

Selon une source pénitentiaire, quatre surveillants accompagnaient ce détenu particulièrement signalé (DPS) pendant un déplacement quand ils ont été attaqués à l’aide de ciseaux. Trois d’entre eux ont été légèrement blessés, dont l’un, coupé au cuir chevelu, a dû être transporté à l’hôpital pour quelques points de suture.

Le parquet de Paris a ouvert une enquête pour tentatives d’assassinat sur personnes dépositaires de l’autorité publique en relation avec une entreprise terroriste. La Sous-Direction antiterroriste (SDAT) et la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) ont été saisies.

Mobile obscur

Le mobile de cette attaque est encore obscur. Selon les informations du Monde, Christian Ganczarski devait être extradé à la fin de janvier vers l’Allemagne, pays qui envisageait de le remettre à la justice américaine dans le cadre des investigations sur les attentats du 11 septembre 2001. Si la dimension terroriste de l’attaque de Vendin-le-Vieil est aujourd’hui privilégiée en raison du profil de son auteur, une source proche du dossier n’exclut pas qu’elle relève d’une stratégie, relativement commune en prison, visant à faire annuler son extradition.

Christian Ganczarski avait été condamné à Paris à dix-huit ans de réclusion criminelle en 2009 pour complicité dans un attentat commis contre la synagogue de la Ghriba, à Djerba (Tunisie). / BENOIT PEYRUCQ / AFP

Christian Ganczarski avait été condamné à Paris à dix-huit ans de réclusion criminelle en 2009 pour complicité dans un attentat commis contre la synagogue de la Ghriba, à Djerba (Tunisie). Le 11 avril 2002, un camion rempli de bouteilles de gaz avait foncé dans la foule, essentiellement composée de touristes venus visiter la plus ancienne synagogue d’Afrique du Nord, faisant 21 morts, dont 14 touristes allemands, 5 Tunisiens et 2 Français. La présence de victimes françaises avait permis d’ouvrir une procédure judiciaire en France.

Au moment de son procès en 2009, le quotidien polonais Dziennik, repris par Courrier international, avait dressé son portrait. On y apprenait que ce jeune catholique originaire de Gliwice, dans le sud de la Pologne, converti à l’islam en 1986 sous le nom d’Abou Ibrahim, était devenu au fil de son parcours djihadiste un ami personnel d’Oussama Ben Laden.

Un proche de Ben Laden

Après avoir suivi une formation dans un lycée professionnel de Duisburg, en Allemagne, pour devenir métallo, il s’était envolé avec son épouse, elle-même convertie, pour l’Arabie saoudite afin d’y étudier la religion. Selon Dziennik, il aurait ensuite interrompu ses études coraniques pour combattre les Russes en Tchétchénie. Il se serait ensuite rendu au Pakistan, en Bosnie et en Afghanistan, où il aurait sympathisé avec Oussama Ben Laden.

Selon un officier des renseignements polonais cité par le journal, Christian Ganczarski « faisait venir les médicaments pour le chef d’Al-Qaida » en se servant des « ordonnances de sa fille, atteinte de diabète ». Le quotidien affirme que Ganczarski aurait, par ailleurs, recruté un des pilotes qui avaient précipité un avion contre le World Trade Center, à New York, le 11 septembre 2001.

Ce vétéran du djihad allemand ne sera inquiété que deux ans plus tard. Quelques heures avant de foncer avec son camion sur la foule devant la synagogue de Djerba, en 2002, le chauffeur, un jeune kamikaze tunisien, Nizar Nawar, l’avait appelé. Cette brève conversation a convaincu la justice française que Ganczarski était l’un des instigateurs de l’attaque, avec Khaled Cheikh Mohammed, hiérarque d’Al-Qaida et cerveau présumé des attaques du 11-Sseptembre.

Interpellation à Roissy

« Après cette conversation, Ganczarski a plié bagage et est parti pour l’Arabie saoudite », poursuit l’officier polonais dans les colonnes de Dziennik. Il est alors filé par la CIA et les services français, qui s’arrangent pour que son visa ne soit pas prolongé.

Expulsé d’Arabie saoudite à la suite de l’expiration de son visa, Ganczarski sera finalement arrêté lors d’un transit à l’aéroport de Roissy, le 3 juin 2003. Quelques jours plus tard, le ministre de l’intérieur de l’époque, Nicolas Sarkozy, s’était félicité de l’interpellation d’« un haut responsable d’Al-Qaida (…) en contact avec Oussama Ben Laden ».

Après avoir séjourné dans plusieurs prisons françaises, Christian Ganczarski a été admis en 2015 au centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil. Ouverten 2014, cet établissement accueille en priorité les détenus particulièrement signalés. Cette prison « de passage » est considérée comme un « sas » pour réadapter les prévenus difficiles à un régime de détention très strict, explique une source pénitentiaire. Elle est prévue pour accueillir Salah Abdeslam le temps de son procès à Bruxelles pour la fusillade de Forest, en Belgique.