Chronique. L’année 2017 restera, pour les membres du groupe Soudan Célestins Music, inoubliable. Elle avait commencé dans un restaurant de Clermont-Ferrand, où ils avaient assuré l’animation musicale du réveillon. Puis, petit à petit, les invitations s’étaient égrenées, dans des sites hébergeant des demandeurs d’asile venus de Calais ou de la région parisienne.

Mi-janvier, à Saint-Beauzire, petit village altiligérien situé aux environs de Brioude, les musiciens venus de Vichy découvraient une épaisse couche de neige, couvrant les champs, les toits des voitures, des maisons et des clochers, tandis que les bénévoles du centre Léo-Lagrange voyaient, eux, pour la première fois, sourire et danser les migrants qu’ils accueillaient.

A Pessat-Villeneuve en février, à Monistrol en mars, près d’Arlenc en avril, le printemps avait permis de confirmer que les Soudan Célestins Music chantaient des tubes connus de tous leurs compatriotes.

Puis ce fut, l’été venu, le contact avec Le Monde et le projet des Nouveaux Arrivants. Le concert du 14 juillet à Vichy, retransmis sur Facebook Live, fut suivi de nombreuses invitations. A la Fête de L’Huma, à Montluçon, à Aubusson, à Paris au festival Culture au Quai.

Quel chemin parcouru pour ceux qui, à peine plus d’un an auparavant avaient dormi à même la rue ou squatté le lycée Jean-Quarré dans le XXe arrondissement ! Comment ne pas y penser, quand ils partagèrent la scène avec Abd Al-Malik ou rencontrèrent des artistes en exil, tel le flûtiste soudanais Gandi Adam.

En novembre, pour la semaine festive dédiée aux réfugiés, les Soudan Célestins Music figuraient dans les deux programmes du Festival des solidarités (Festisol) et Migrant’scène de la Cimade, à Clermont-Ferrand.

Malgré tout

Que faire alors, pour clore en beauté cette année qui a vu tous les membres du groupe de départ obtenir le sésame de l’asile politique ? « Nous voulions retourner à Varennes-sur-Allier, la ville où a commencé notre parcours de migrants, ici en France », déclare Ahmed Khamis, le chauffeur chanteur. « C’est ici que, pour la première fois, nous avions été logés, nourris, accueillis », ajoute Hassan Osmane, le jardinier musicien.

Pour le réveillon du Nouvel An, sans tambours ni trompettes, sans affiches ni médias, ils ont voulu offrir une fête dans l’ancienne base militaire qui abrite l’un des plus grands centres d’accueil d’orientation de France.

« Cela faisait longtemps que nous pensions à animer une fête à Varennes. Dès que nous en avons eu l’occasion, nous n’avons pas hésité. Une grande tristesse règne dans ce camp de réfugiés. La musique apporte de la joie à ceux qui sont loin de leur pays. C’est un double sentiment : triste de voir ces jeunes qui ont quitté leur famille et risqué leur vie et, en même temps, heureux de les voir chanter avec nous », assure Ahmed.

« Varennes représente beaucoup de choses pour nous. Des bons souvenirs et d’autres tristes. Notre message est d’abord un remerciement, pour les assistantes sociales et ceux qui nous ont accueillis. Mais nous voulions montrer aussi que les réfugiés ne sont pas ce que certains en pensent, que les migrants ne servent à rien. Il nous tenait à cœur de montrer que nous avons aussi des choses à partager », souligne Hassan.

Fêter l’arrivée de la nouvelle année dans cette base militaire du centre de la France, partager avec ceux qui vivent ce qu’ils avaient vécu deux ans auparavant, leur souhaiter d’obtenir le statut de réfugié, de commencer une nouvelle vie, pour eux, cela voulait dire beaucoup. Cela voulait dire qu’ils étaient libres, heureux d’être là malgré tout.