Le hors-série N°81 de  « Fluide Glacial ». / FLUIDE GLACIAL

« C’est que des vieilleries là-dedans ! » Visiter le Musée du Louvre avec les Bidochon, c’est un bonheur, mais un bonheur risqué. Entrer dans l’intimité, et pas qu’un peu, de la Grande Odalisque, d’Ingres, c’est déconseillé aux enfants. Tout comme découvrir – et pour les âmes prudes, recouvrir bien vite – Pervers Pépère version Georges de La Tour. Tout cela est possible avec le hors-série « série or » que publie le magazine Fluide glacial (en kiosque jusqu’au 20 mars, 96 pages, 6,50 €). C’est-à-dire une anthologie de dessins parfois anciens (ceux des Bidochon sont extraits des volumes d’Un jour au musée publiés à partir de 2013) mais toujours efficaces et souvent redoutables. La couverture, par exemple, signée Solé, réinterprète Le Radeau de la Méduse façon lendemain de cuite, hommage peut-être inconscient au Monument aux ivres morts du peintre Christian Zeimert, que conserve mais expose hélas peu le Centre Pompidou.

Géricault semble avoir particulièrement inspiré les auteurs de Fluide glacial. Précurseur du happening, dès 1908 (enfin, ce sont Julien/CDM, c’est-à-dire Solé et Le Gouëfflec qui l’affirment), le vicomte de la Pourfempoire plonge en maillot de bain la tête la première, faisant ainsi « une entrée fracassante dans le monde de l’art » ; Théa Rojzman et Abdel de Bruxelles racontent la genèse du Radeau de la Méduse (une histoire totalement déjantée, mais inspirée de faits réels, comme la participation en tant que modèle du peintre Eugène Delacroix) ; Isa imagine le tableau transplanté en 2028 à la campagne, dans une ferme où le radeau est en partie occulté par des bottes de paille, pour éviter que la vision des naufragés nus n’effraye les vaches pendant la traite… Le personnage dessiné par Ostermann y voit des allusions à la Méditerranée, ce qui est erroné, la Méduse ayant coulé au large du Sénégal, mais lui permet d’évoquer aussi la guerre et les migrants actuels.

Mona Lisa est remplacée par Sœur Marie-Thérèse des Batignolles et son kil de rouge

La Joconde n’est, bien entendu, pas non plus épargnée, spécialement quand Mona Lisa est remplacée par Sœur Marie-Thérèse des Batignolles et son kil de rouge, ni l’implantation récente du Louvre à Abou Dhabi, avec un très cruel roman-photo de Baumann et Lefred-Thouron où un émir amoureux des arts confond le musée avec le showroom d’un grand magasin et veut « acheter la femme », c’est-à-dire le chef-d’œuvre de Vinci. Petite précision, l’émir en question n’est pas d’Abou Dhabi, mais du Qatar, le frère ennemi. Quand on sait que le Musée du Louvre est coéditeur de ce numéro spécial de Fluide glacial, les mauvais esprits se demanderont si ce choix est vraiment dû au hasard.

Le Louvre en BD ? Ce n’est pas terminé : le musée annonce l’ouverture en septembre d’une exposition intitulée « L’archéologie en bulles », qui « invite la bande dessinée afin de montrer comment le 9e art s’approprie, entre réel et fiction, les découvertes archéologiques à l’origine des collections du Louvre ». La rencontre de Pervers Pépère et de Néfertiti promet d’être torride.

Fluide Glacial au Louvre - Série-or n°81. 96 pages. En kiosque jusqu’au 20 mars. 6,50 €