Documentaire sur France 3 à 20 h 55

Au sentiment de nostalgie suscité par ce type de documentaires musicaux vient s’ajouter une note de tristesse, depuis l’annonce, dimanche 7 janvier, de la disparition de France Gall. Bien qu’ayant confié un jour ne pas avoir vraiment aimé son rô­le dans Starmania, l’opéra-rock ­imaginé par Michel Berger et Luc Plamondon, Crystal et son Besoin d’amour ont cependant donné à l’interprète le goût de la scène. Ainsi que l’illustrent les innombrables archives – souvent inédites – du film de Thomas Snégaroff et Olivier Amiot, qui retrace par le menu l’aventure de cet opéra-rock phénomène, créé en 1978.

Une aventure qui semble à l’époque un peu folle. Il n’est, pour s’en persuader, qu’à observer, quatre ans plus tôt, lors d’une émission de télévision, la moue dubitative de Catherine Deneuve devant les propos d’un Michel Berger convain­cu que la France possède un public pour les comédies musicales et que celles-ci ne tarderont à rencontrer un vif succès.

INA | Starmania 78, le best of
Durée : 41:07

Prémonitoires, ces propos le sont tout autant que celui de Starmania, dont la dimension politique est à mettre au crédit de Luc Plamondon. Après que celui-ci a convaincu Michel Berger d’abandonner Angelina Dumas, projet inspiré d’un fait divers,ils entreprennent ensemble de se projeter dans les années 2000 à Monopolis, capitale imaginaire d’un Etat supranational sur lequel planent les ombres du terrorisme et de la dictature.

« Accueilli comme un ovni »

Reste que, au-delà de la peinture sociale d’un monde devenu « stone », avant même que le spectacle ne soit monté, le double album de Starmania, sorti en pleine vague disco, en octobre 1978, « est accueilli comme un ovni », souligne Thomas Snégaroff. Et ce d’autant plus fraîchement par les médias que la plupart des interprètes – à l’exception de Diane Dufresne et France Gall – ne sont pas connus.

France Gall - Monopolis (1980)
Durée : 04:23

Conscients que, si les ventes n’atteignent pas les 100 000 exemplaires dans les deux mois, leur spectacle ne verra pas le jour, Luc Plamondon et Michel Berger écument les studios radio – grâce à quoi Coluche, fan du titre, passera en boucle Le Monde est stone sur Europe 1 – et les plateaux télé. En décembre 1978, alors que l’album est en passe de devenir le bide de l’année, les deux compères se voient confier une émission spéciale où, dans un ultime baroud d’honneur, ils présentent avec les futurs interprètes de la comédie (France Gall, Diane Dufresne, ­Fabienne Thibeault, Daniel Balavoine) tout ou partie des chansons. Le déclic s’opère avec Les Uns contre les autres, qui devient le premier tube de Starmania.

Quatre mois plus tard, le 10 avril 1979, au Palais des congrès, à Paris, se tient la première devant un parterre de 4 000 spectateurs, auprès desquels nous convient les deux auteurs du film. En effet, par un habile jeu de montage de photos et d’archives, un large aperçu du spectacle est restitué. Même si la qualité des images de la captation est assez médiocre, on se console aisément par le fait que les interprétations sont données dans leur intégralité.

Cyndi Lauper The World is Stone Live France '92
Durée : 04:31

Ce qui n’est pas le moindre attrait de ce film qui fourmille d’anecdotes, dont celle qui veut que Michel Berger ait retrouvé, au fond de la corbeille à papier où l’avait jeté Luc Plamondon, le texte d’un des grands titres de Starmania :Les Uns contre les autres. Autre grand tube du spectacle que reprendra Maurane, en 1988 ; puis Céline Dion, qui accordera sa voix à celles de Cyndi Lauper, Kim Carnes ou Ronnie Spector sur Tycoon, la version anglaise de l’album sortie en juillet 1992. Soit un mois avant la disparition de Michel ­Berger, créateur visionnaire à plus d’un titre.

Starmania, l’opéra-rock qui défie le temps, de Thomas Snégaroff et Olivier Amiot (Fr., 2017, 115 min).