Cinquante ans après la loi Neuwirth, légalisant en France la fabrication et la mise à disposition de contraceptifs, en dépit d’un modèle en évolution, le poids du contrôle des naissances repose encore majoritairement sur les épaules des femmes.

Depuis le 1er janvier, le Planning familial propose, à Paris, des journées de consultation groupées adressées aux hommes. Mais celles-ci n’attirent pas les foules. « Les premiers mois, il y avait une personne par consultation, ces derniers temps, on est entre trois et quatre », estime Caroline Rémy, coprésidente du Planning familial.

Lors des consultations, les hommes recherchent avant tout « une méthode un peu plus fiable que le préservatif, qui peut craquer de temps en temps », poursuit Caroline Rémy :

« Ils veulent aussi partager la contraception avec leur femme et être une forme de soutien dans les méthodes contraceptives. »

Toujours pas de pilule pour les hommes

Il faut dire que les alternatives au préservatif ne sont pas encore largement popularisées. La pilule contraceptive, qui représentait encore en 2016 le principal moyen de contraception d’une femme sur deux, selon l’Institut national d’études démographiques (INED), n’existe toujours pas pour les hommes. « Je pense qu’il n’y a pas un afflux de demandes et donc les laboratoires ne se penchent pas vraiment sur la question », juge Mme Rémy.

« On a largement les moyens scientifiques de développer la pilule pour homme », assure quant à elle Cécile Ventola, chercheuse à l’INED, qui note un intérêt au statu quo et une frilosité des laboratoires pharmaceutiques.

« Toutes les innovations en matière de contraception féminine qui ont été réalisées dans les dernières décennies n’ont pas été portées par l’industrie pharmaceutique mais par des organismes publics : anneau vaginal, stérilet hormonal, etc. »

Pour Pierre Colin, cofondateur de l’Association pour la recherche et le développement de la contraception masculine (Ardecom), il s’agit d’un faux problème :

« Pourquoi une pilule ? On entend les femmes parler de leur contraception, elles en ont marre de leur pilule et le stérilet en cuivre a beaucoup de succès à cause de ça. »
« Depuis quarante ans, on a deux types de contraception — trois avec la vasectomie — et on est une centaine d’hommes “contraceptés” en France. »

L’injection d’hormones

Peu médiatisée, la contraception hormonale masculine consiste en des injections hebdomadaires de testostérone. Une méthode qui, en plus d’être méconnue, est lente à se mettre en place. « Il faut faire des spermogrammes [au cours du traitement], déjà ça va rebuter certains hommes qui ne vont pas se compliquer la tâche », dit la coprésidente du Planning familial. Il faut attendre jusqu’à trois mois pour l’arrêt de la production de spermatozoïdes :

« Le cycle masculin ne s’arrête pas aussi rapidement que le cycle féminin. Les trois premiers mois, vous n’êtes pas vraiment “contraceptés”. »

Au cours de l’utilisation, les piqûres sont autoadministrables et coûtent « dix euros par semaine en pharmacie », précise Pierre Colin. Ce traitement hormonal est réversible mais, là encore, il faut attendre trois mois pour pouvoir à nouveau procréer.

Ce traitement doit impérativement faire l’objet d’une discussion préalable avec un professionnel de santé. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande un usage limité à dix-huit mois, et réservé aux « hommes de 25 à 45 ans n’ayant pas certains antécédents (cardiovasculaires, hépatiques, de cancers, d’obésité, psychiatriques, etc.) ou ne consommant pas de tabac », rappelle l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).

Le « slip chauffant »

Une autre méthode, nommée « contraception masculine thermique », consiste en une légère augmentation de la température des testicules, « méthode qu’on appelle également slip chauffant », précise Caroline Rémy. Il s’agit donc d’un sous-vêtement ajusté qui place les testicules dans une certaine position pour les réchauffer. Le prix ? « Cinq euros de plus qu’un slip normal », répond Pierre Colin. Il faut porter ce sous-vêtement sept jours sur sept, et quinze heures par jour. Là encore, la méthode est réversible mais met jusqu’à trois mois pour devenir efficace ou cesser de l’être.

Pour la contraception thermique comme hormonale, le nombre d’utilisateurs est flou : « Je pense que ça se compte sur les doigts d’une main, peut-être deux, dit Cécile Ventola. Les usagers potentiels ne savent pas que ça existe et les médecins non plus », regrette la chercheuse.

Attention, le « slip chauffant » n’est pas une méthode reconnue par l’OMS, et l’Agence nationale de santé publique (ministère de la santé) fait savoir au Monde qu’elle refuse de prendre position sur son efficacité contraceptive et d’en faire la promotion pour le moment. Santé publique France déclare cependant suivre les travaux de l’Ardecom, « interlocuteur privilégié sur la méthode en France ». Les études sur cette méthode sont, pour le moment, limitées. « On doit le porter tout le temps, et ce n’est pas fiable », disait l’urologue Didier Legeais sur Franceinfo.

La stérilisation reste taboue en France

Enfin, l’ultime moyen de contraception masculine, la vasectomie, est également très peu répandu en France, où la stérilisation est autorisée depuis 2001. Elle concerne environ mille hommes en France, selon l’Ardecom et le Planning familial. Il s’agit d’une opération des testicules qui va bloquer de façon permanente la production de spermatozoïdes.

Cette méthode n’est pas toujours réversible, aussi les hommes qui y recourent ont-ils la possibilité de congeler du sperme gratuitement avant l’opération. Selon Pierre Colin, elle est pratiquée par « une cinquantaine de médecins » en France. « L’Angleterre est beaucoup plus en avance et a beaucoup plus accès à la vasectomie, qui est proposée dans beaucoup de centres et par beaucoup plus de praticiens qu’en France », dit Caroline Rémy.

Pour développer l’accès et le recours à la stérilisation, il faudrait « un changement de mentalités large », estime la coprésidente du Planning familial, alors que la plupart des personnes interrogées évoquent les effets d’une politique nataliste française, couplée à un manque de sensibilisation parmi les professionnels de santé. Contre les préjugés, Pierre Colin rappelle que l’érection et la libido ne sont en rien affectées par cette opération.