A Lyon, le 29 octobre | Laurent Cipriani / AP

Le 10 janvier, Le Monde publiait une tribune signée par plus de cent femmes, dont Catherine Millet et Catherine Deneuve. Les auteures s’inquiétaient de la montée d’un nouveau puritanisme se livrant à la délation, depuis l’explosion de l’affaire Weinstein. Elles défendaient un féminisme soucieux de préserver la liberté sexuelle, au prix d’une « liberté d’importuner ». Contre ce texte, plusieurs voix se sont élevées et y ont vu une banalisation du harcèlement et des violences sexuelles. Le Monde regroupe ici les différentes tribunes publiées dans le cadre de cette controverse.

« Nous défendons une liberté d’importuner, indispensable à la liberté sexuelle », par un collectif de cent femmes, dont Catherine Millet (critique d’art, commissaire d’exposition et écrivaine) et Catherine Deneuve (actrice). Les auteures rejettent un féminisme qui conduirait à la haine des hommes. Elles dénoncent par ailleurs les effets nocifs que ce « puritanisme » peut avoir actuellement dans le monde de l’art.

« Le jour où les femmes se sentiront autorisées à exprimer leur désir, elles ne seront plus des proies », par Belinda Cannone. L’essayiste loue la naissance de la parole libérée des femmes. Il faut maintenant arriver à une « égalité dans l’érotisme », c’est-à-dire que l’on cesse d’assigner aux femmes un rôle passif et que l’on repense en profondeur les rapports de séduction.

Violences sexuelles : « La nature a remplacé la culture comme origine de la violence », par Olivier Roy (politologue). Pour ce spécialiste de l’islam, l’affaire Weinstein replace les violences sexuelles non dans une dynamique culturelle, comme on avait pu le croire après les attaques de Cologne, mais dans une dynamique masculine. C’est la nature du mâle qui est à l’origine des violences sexuelles.

« A force de laisser croire qu’il est aussi grave de dire que de faire, on finit par inciter au rejet de l’autre », par Murielle Mollo (médecin), elle-même victime de harcèlement sexuel. L’auteure invite à bien distinguer le harcèlement sexuel qui comporte de véritables conséquences psychologiques, de simples approches de séduction. Cet amalgame trop fréquent aujourd’hui pousse, selon elle, à une guerre des sexes.

« L’absence de solidarité des femmes signataires de cette tribune me sidère », par Michelle Perrot (historienne spécialiste de l’histoire des femmes, professeure émérite à l’université Paris-VII). L’historienne regrette que les cent signataires de la tribune portée par Catherine Deneuve choisissent la voie facile de la soumission. Elles auraient dû mettre leur statut à disposition de la lutte féministe.

« Mesdames, ne confondez pas les jeux de rôle de salon avec la vie réelle », par Michèle Riot-Sarcey (historienne du politique et du féminisme, professeur d’histoire contemporaine et d’histoire du genre à l’université Paris-VIII-Saint-Denis). Elle estime les signataires de la tribune prônant une liberté d’importuner déconnectées d’avec la réalité du monde quotidien.

La tribune signée par Mme Deneuve est « l’expression d’un antiféminisme ». Entretien avec Christine Bard (spécialiste de l’histoire du féminisme). Elle explique en quoi la tribune signée par l’actrice peut relever d’une certaine forme d’antiféminisme. Elle observe également que le mouvement #Metoo a transcendé les clivages qui traversent le féminisme.

Une instigatrice de la tribune des cent femmes dénonce une « censure morale insidieuse », par Sarah Chiche (psychologue et psychanalyste). Signataire de la tribune portée par Catherine Deneuve, la psychologue déplore que le monde de l’art soit aujourd’hui sous le feu du débat féministe, brimant ainsi sa pleine liberté d’expression.

« La troisième vague du féminisme est tout sauf conservatrice ou puritaine », par Léa Clermont-Dion (auteure et doctorante en sciences politiques à l’université de Laval). L’auteure se révolte de la tribune défendant la liberté d’importuner. En se reposant sur la définition d’une agression sexuelle, elle affirme que cette tribune amène à une banalisation de la violence sexuelle.

« Continuons sur la lancée de #MoiAussi, les hommes à nos côtés », par un collectif de plus de deux cents Québécoises, dont Aurélie Lanctôt (essayiste), Cœur de Pirate (chanteuse) et Julie Snyder (productrice). Ces femmes affirment leur solidarité envers les victimes de harcèlements ou de violences sexuelles. Elles invitent toutes les parties de la société à se mettre en marche vers une authentique égalité des genres.