Fin du suspense. A l’issue du conseil des ministres, mercredi 17 janvier, le premier ministre, Edouard Philippe, a annoncé l’abandon définitif du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique). L’aéroport de Nantes-Atlantique, à Bouguenais, au sud-ouest de Nantes, sera réaménagé et modernisé afin d’assumer l’augmentation du nombre de voyageurs.

Le premier ministre a également annoncé l’évacuation future des personnes occupant illégalement la ZAD « d’ici au printemps prochain » et le rétablissement de la circulation des routes qui traversent Notre-Dame-des-Landes.

Rémi Barroux, journaliste au Monde et spécialiste des questions environnementales a répondu aux questions des internautes.

Al : Dans quelle mesure la décision d’aujourd’hui est-elle définitive ? N’y a-t-il pas un risque, en cas de changement de majorité dans le futur, de voir revenir le sujet sous une forme ou une autre ?

Rémi Barroux : Edouard Philippe l’a annoncé ; la décision d’abandonner est définitive. La déclaration d’utilité publique tombe le 8 février, ce qui veut dire que, si un futur gouvernement, une nouvelle majorité, voulait construire un aéroport, pourquoi pas à Notre-Dame-des-Landes, il faudrait tout recommencer : débat public, enquête d’utilité publique, déclaration d’utilité publique avec tous les recours qui ne manqueraient pas de réapparaître, puis appel d’offres, décision politique, etc. Bon courage !

Romain : A qui appartiennent les terres sur lequelles squattent les zadistes ? Pour pouvoir rester il va falloir qu’ils achètent les terres ?

Les terres sont la propriété de l’Etat et du conseil départemental. Le premier ministre a annoncé qu’il n’était pas question de les garder, vu que le projet d’aéroport ne se fera pas. Les terres vont donc soit revenir aux agriculteurs qui rendront l’argent touché lors de leur cession, soit seront vendues dans le cadre de projets agricoles qui restent à définir.

C’est tout l’objet des discussions qui vont avoir lieu avec les zadistes engagés dans des activités agricoles mais qui n’ont aucun titre de propriété.

Clem : N’est-ce pas pour le gouvernement une décision visant ceux qui lui reprochent de beaucoup parler d’écologie, mais de ne pas prendre de réelles décisions ?

Il est certain qu’Emmanuel Macron et le gouvernement ont pris une décision qui va satisfaire tout le camp des écologistes et de ceux qui sont engagés dans la défense de l’environnement et dans la lutte contre le réchauffement climatique. Cela conforte une image du président concerné par ces questions, qui a nommé une figure emblématique de l’écologie, Nicolas Hulot, dans son gouvernement.

Il a aussi positionné la France comme pays moteur sur les questions climatiques, notamment avec le sommet international du 12 décembre qui s’est tenu à Paris.

Carma : Qui sont les zadistes ? Pourriez-vous nous présenter les différents profils et ambitions des zadistes présents à Notre-Dames-des-Landes ?

Il y a, en effet, de nombreux profils de zadistes. Les premiers arrivés étaient des militants altermondialistes, anticapitalistes et écologistes. Une partie de la mouvance la plus radicale, telle celle qui intervient dans les manifestations contre les sommets internationaux, voire les manifestations sociales, a aussi rejoint la ZAD, prête à en découdre avec les forces de l’ordre.

Sont aussi présents dans la zone des groupes de personnes plus marginaux, souhaitant vivre tranquilles, sans contrôle de police, sans servitude vis-à-vis de la société, tels qu’on peut en trouver dans les rues de grandes villes ou dans des squats urbains. Tous cohabitent avec les agriculteurs, les opposants historiques, non sans désaccords parfois durs sur les méthodes de lutte ou sur les règles de vie commune.

Loïc6888 : La France a-t-elle connu un même épisode par le passé avant Notre-Dame-des-Landes ?

En effet, plusieurs projets ont été très avancés puis abandonnés par décision politique du chef de l’Etat, face notamment à de forts mouvements d’opposition.

Le Larzac est la référence absolue : décision d’agrandir le camp militaire sur le causse en 1971 et abandon par le président François Mitterrand en 1981. Abandon aussi de la construction de la centrale de Plogoff (Finistère) en 1981 également par Mitterrand. Ou encore le nucléaire avec le surgénérateur de Creys-Malville, construit puis abandonné en 1997.

Bonnet rouge : Qui va payer la rupture de contrat avec Vinci ? Les référendums locaux ont-ils encore une raison d’être ?

Pour l’heure, on ne sait pas à combien peut se monter la facture. A Matignon, on avance que les négociations devront tenir compte de plusieurs éléments juridiques qui ont des implications financières. S’agit-il d’un « cas de force majeure » qui oblige à l’abandon du projet ? Est-il annulé pour « motif d’intérêt général » ? Chaque cas est différent. Ce qui est sûr, c’est que Vinci est gestionnaire des aéroports actuels de Nantes, de Rennes et de Saint-Nazaire, et que la société va probablement vouloir rester dans le jeu.

Quant aux référendums locaux, on peut se poser la question de leur utilité. L’exemple du scrutin départemental — qui n’était pas un référendum à proprement parler — montre l’importance de bien cerner la question à poser, de présenter les alternatives s’il s’agit d’un projet d’infrastructure, ou encore de définir le périmètre électoral le plus pertinent. Pour celui consacré à Notre-Dame-des-Landes, tel n’était pas le cas.

peace love unity : Que pensez-vous du vocabulaire militaire intimidant parlant même de morts de la part des gendarmes et de certains journaux, dont Le Monde ? Les propos du premier ministre vont-ils apaiser, enfin, ce jusqu’au-boutisme délétère ?

Les images guerrières sont le propre de ce genre de conflits et certains médias ne sont pas avares dans la dramatisation de la situation et la mise en scène de possibles violences. Elles sont néanmoins parfois avérées et il convient alors de les relater, de les analyser. Vu le degré d’opposition, deux camps irréconciliables, sur le dossier de Notre-Dame-des-Landes, les jeux de rôles sont aussi accentués, les paroles définitives et les menaces à peine voilées. A l’arrivée, sur le terrain, les choses se passent souvent différemment.

Certains gendarmes et responsables du maintien de l’ordre ont ainsi évoqué, depuis plusieurs jours, la dureté des affrontements à venir, la violence supposée des zadistes ou l’importance du matériel guerrier qui leur serait opposée. C’était aussi une manière d’alerter les autorités politiques sur l’aspect délicat que prendrait l’intervention, sur l’importance des moyens aussi qu’il faudrait mobiliser.

Jules : Comment peut se passer l’évacuation des zadistes ? Quid de la trêve hivernale ?

Pas facile de répondre à cette question. Les conditions n’ont jamais été aussi favorables à un règlement pacifique de la question. Les forces engagées contre la construction de l’aéroport sont contentes, rassurées et n’ont plus aucune raison de chercher l’affrontement. Le premier ministre a laissé deux mois, « d’ici le printemps prochain » a-t-il précisé, aux occupants illégaux pour « partir d’eux-mêmes ». La trêve hivernale sera donc passée.

Les discussions dans le mouvement ont commencé depuis de longs mois sur le futur de la ZAD, des expériences agricoles qui y ont vu le jour et des formes de vie collectives qui y ont émergé. On y verra donc plus clair d’ici quelques semaines.