L’un des principaux responsables de l’opposition éthiopienne, Merera Gudina, a été libéré de prison, mercredi 17 janvier, dans le cadre d’une amnistie décidée par le gouvernement et qui concerne plus de 500 personnes, a annoncé la radio-télévision d’État Fana. Emprisonné depuis 2016, le président du Congrès fédéraliste oromo (OFC) est le premier opposant de haut rang relâché depuis que le premier ministre, Hailemariam Desalegn, a promis, le 3 janvier, de libérer un certain nombre d’hommes politiques.

Le gouvernement a annoncé lundi que 528 individus, pour la plupart accusés d’implication dans des violences ethniques à la frontière entre les régions Oromia et Somali (sud), seraient libérés et que les charges à leur encontre seraient abandonnées. Selon Fana, 115 prisonniers ont ainsi retrouvé la liberté mercredi.

La libération de M. Merera figurait parmi les principales demandes des protestataires oromo, la principale ethnie du pays, qui avaient lancé en 2015 une vague de manifestations antigouvernementales sans précédent depuis vingt-cinq ans. Ces manifestations, qui s’étaient ensuite étendues à la région Amhara (nord), avaient été violemment réprimées par les forces de l’ordre, faisant au moins 940 morts selon la Commission éthiopienne des droits de l’homme, liée au gouvernement. Le calme – même si d’occasionnelles manifestations ont encore lieu en Oromia – n’était revenu qu’avec l’instauration de l’état d’urgence entre octobre 2016 et août 2017.

« Prisonniers de conscience »

« Ce sera une bonne chose si le gouvernement conduit des négociations honnêtes avec les forces politiques qui jouissent d’un soutien massif, afin de créer une Ethiopie démocratique qui garantisse l’équité entre tous », a déclaré M. Merera après sa libération à Addis-Abeba. M. Merera avait été appréhendé en 2016, peu après son retour d’un voyage en Europe, où il avait dénoncé l’état d’urgence devant des parlementaires à Bruxelles. Il avait été inculpé notamment d’« incitation aux émeutes » et été accusé d’avoir préparé un coup d’État.

Amnesty International a salué dans un communiqué sa libération, mais appelé le gouvernement éthiopien à relâcher les autres « prisonniers de conscience ». « Des centaines de prisonniers de conscience continuent de languir en prison, accusés ou poursuivis pour avoir exercé légitimement leur liberté d’expression ou simplement pour avoir défendu les droits de l’homme », a déclaré Netsanet Belay, directeur Afrique d’Amnesty.

Le nombre exact de prisonniers dans les geôles éthiopiennes n’est pas connu. Mais plus de 21 000 personnes, selon des chiffres officiels, ont été arrêtées dans le cadre de l’état d’urgence, dont les deux tiers ont ensuite été relâchées.

Les manifestations organisées avant l’instauration de l’état d’urgence étaient avant tout l’expression d’une frustration des Oromo et des Amhara, les deux principales ethnies du pays, face à ce qu’ils perçoivent comme une surreprésentation de la minorité des Tigréens au sein de la coalition du Front démocratique révolutionnaire des peuples éthiopiens (EPRDF), qui règne sans partage depuis 1991.