Emmanuel Macron rencontre les forces de police pendant sa visite à Calais, le 16 janvier. / POOL / REUTERS

Editorial du « Monde ». Le lieu et le moment ne devaient rien au hasard. C’est à Calais, ville symbole dont la « jungle » a accueilli, avant son démantèlement il y a un an, jusqu’à 8 000 réfugiés et migrants désireux de gagner la Grande-Bretagne, qu’Emmanuel Macron est venu défendre sa politique en matière d’immigration, mardi 16 janvier.

Quant au moment, il est marqué depuis quelques semaines par les vives critiques, formulées notamment par les associations humanitaires ou des autorités morales, contre les orientations tracées par le président de la République et mises en œuvre par le gouvernement.

Après le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, le week-end passé, le chef de l’Etat a fermement confirmé qu’il n’entendait pas modifier son cap en la matière. « Notre ligne est claire : à chacun nous devons garantir un accueil digne et humain, à tous nous devons donner une réponse rapide, mais, à ceux qui ne sont pas admis, nous devons faire en sorte qu’ils regagnent effectivement leur pays », a-t-il réaffirmé.

En d’autres termes, « protéger les uns, raccompagner les autres ». Bref, tenir un « langage de vérité » et conjuguer devoir d’humanité, ordre républicain et efficacité administrative. Cet équilibre, a-t-il confirmé, sera à la base du projet de loi sur l’asile et l’immigration en préparation et qui doit être présenté au Parlement au printemps.

Absurdité kafkaïenne

Or, c’est précisément cet équilibre revendiqué que mettent vivement en doute, de façon unanime, les nombreuses associations humanitaires ou caritatives qui prennent en charge, au quotidien, l’essentiel de l’accueil, de la protection et de l’hébergement des migrants. Rejointes par des intellectuels souvent proches du chef de l’Etat ou par les partis de gauche, elles estiment que le gouvernement est loin de tenir l’équilibre entre humanité et sécurité.

Si les associations saluent, dans l’ensemble, la volonté d’accélérer l’instruction des dossiers de demande d’asile (plus d’une centaine de milliers en 2016) et d’améliorer l’accueil, l’hébergement et l’intégration des réfugiés qui obtiennent un titre de séjour, elles déplorent le sort réservé à tous les autres. Et dénoncent le contrôle rigoureux, voire le « tri », jusque dans les centres d’hébergement, que le gouvernement entend faire entre ceux qui fuient les guerres et les persécutions d’un côté et, de l’autre, ceux qui fuient la misère ou la famine et dont il souhaite au maximum tarir le flux incessant.

En outre, elles soulignent l’absurdité kafkaïenne (ou l’hypocrisie) des règles européennes qui, conformément à l’accord de Dublin, conduit bon nombre de réfugiés à errer hors statut entre leur pays d’entrée dans l’Union et la France. Enfin, les associations mettent en cause les brutalités policières destinées à empêcher, à Calais comme à Paris, toute reconstitution de campements « sauvages ».

Se sachant en phase avec l’opinion largement majoritaire des Français, Emmanuel Macron n’a cédé aucun pouce de terrain à ses détracteurs. Tout en appelant les forces de l’ordre à être « exemplaires », il a fermement dénoncé « les approximations, parfois les mensonges » concernant leur action. Il a appelé à la « responsabilité » les associations, qui parfois « nuisent à l’efficacité collective ». Et, sans les nommer, il a invité les donneurs de leçons à ne pas céder à un excès de bons sentiments.

Or, ce n’est pas de bons sentiments qu’il s’agit. Mais d’un principe élémentaire et républicain d’accueil de personnes en détresse et de respect de la dignité humaine.