Dans la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, le 17 janvier. / LOIC VENANCE / AFP

Le dossier Notre-Dame-des-Landes touche à sa fin. Ouvert il y a cinquante ans, il constitue le plus ancien conflit environnemental en France. L’aéroport de la discorde est devenu le symbole, pour les défenseurs de l’environnement, des « grands projets inutiles ». Cinquante ans de lutte, d’enlisement, de bataille juridique.

Les années 1970 : Concorde et décentralisation

C’est à la fin des années 1960 que naît l’idée d’un aéroport pour le Grand Ouest, dans le cadre de la décentralisation promue par la délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale. L’aéroport de Nantes Atlantique (anciennement Château-Bougon) est jugé inadapté pour accueillir les millions de passagers prévus. Il est alors question de vols transatlantiques et de faire atterrir le fleuron aéronautique national, le Concorde.

Les terres du bocage, à une vingtaine kilomètres au nord de Nantes et à quatre-vingts kilomètres au sud de Rennes, majoritairement sur la commune de Notre-Dame-des-Landes, sont désignées, en 1968, comme site préférentiel. Alors que le conseil municipal, comme ceux des bourgs voisins, vote en faveur du projet, certains agriculteurs s’opposent. « On aurait autant aimé pas », déclare un habitant de la commune dans un reportage télévisé de 1974.

Les premiers opposants créent en 1972 l’Association de défense des exploitants concernés par l’aéroport (Adeca). Une petite délégation se rend à Orly (Val-de-Marne) enregistrer des bruits d’avion et recueillir des témoignages de riverains. En janvier 1974, un arrêté préfectoral fixe la zone d’aménagement différé (ZAD) qui permet au département d’acquérir quelque 1 200 ha (la surface totale du projet étant de 1 650 ha).

Les années 2000 : vers le décret d’utilité publique

Le projet d’aéroport est mis en sommeil durant une quinzaine d’années, à cause de la crise pétrolière et de l’arrivée du TGV à Nantes (1989). L’idée d’un troisième aéroport parisien est promue en 1994 et Notre-Dame-des-Landes reste dans la course. En 2000, le projet est réactivé par le gouvernement socialiste de Lionel Jospin. En octobre, un comité interministériel décide de « réaliser un nouvel aéroport, en remplacement de Nantes Atlantique, sur le site de Notre-Dame-des-Landes ».

L’apparition des plans d’exposition au bruit, interdisant ou limitant les constructions exposées au bruit des avions, contrarie la volonté du maire (PS) de Nantes, Jean-Marc Ayrault, d’urbaniser l’île de Nantes. Ce dernier est très attaché à l’idée de disposer d’une infrastructure à l’égal des grands aéroports européens. En décembre 2000, l’Association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d’aéroport (Acipa) est créée.

En 2003 se met en place la commission consultative du débat public. Trois ans plus tard, sur la base du dossier de déclaration publique (DUP), est organisée l’enquête publique. Le 9 février 2008, l’Etat signe le décret (pour dix ans) déclarant d’utilité publique la construction du nouvel aéroport.

En 2009, naît le Collectif d’élus doutant de la pertinence de l’aéroport (CéDpa). L’été de cette même année se tient sur le site visé un « camp d’action climat ». Dans la foulée, les premières occupations voient le jour et la ZAD est rebaptisée « zone à défendre ».

Les années 2010 : « zadistes » contre « légalistes »

En décembre 2010, le premier ministre François Fillon (UMP) signe le décret d’attribution de la concession à la société Vinci, pour une durée de cinquante-cinq ans, des aéroports existant de Nantes Atlantique et de Saint-Nazaire Montoir, ainsi que du futur Notre-Dame-des-Landes. L’ouverture du nouveau site est prévue en 2017. Vinci sera dans la foulée victime de nombreuses actions un peu partout en France.

De nombreux recours sont déposés par les opposants. Les procès se succèdent et la bataille juridique va durer plusieurs années. En avril 2012, deux agriculteurs, Michel Tarin et Gilles Denigot, font une grève de la faim devant la préfecture de Nantes. François Hollande assure qu’il n’y aura pas d’intervention sur la zone avant la fin de tous les recours.

Le 16 octobre 2012 au petit matin, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault – Manuel Valls est ministre de l’intérieur – lance l’opération « César » pour évacuer la ZAD. Mais les violents affrontements conduisent le gouvernement à suspendre l’opération. Le 17 novembre, plusieurs dizaines de milliers de personnes manifestent pour réoccuper la zone. Une semaine plus tard, le premier ministre annonce la création de trois commissions (experts, dialogue et scientifiques). La commission du dialogue conclut, en avril 2013, à la validité du projet, mais remet en question les mesures de compensation prévues.

Durant l’année 2013, les occupations se multiplient et de nombreux projets agricoles voient le jour. Le 22 février, plusieurs dizaines de milliers de manifestants, appuyés par quelque 500 tracteurs, défilent dans le centre de Nantes. De violents incidents ponctuent la manifestation.

Dans le centre-ville de Nantes, le 22 février 2013. / FRANK PERRY / AFP

Les procès et les recours continuent de s’enchaîner. Ils sont tous perdus par les opposants au projet. En janvier 2016, le tribunal de grande instance de Nantes valide les expulsions des habitants et agriculteurs, opposants historiques. Ségolène Royal, alors ministre de l’environnement, commande une étude au Conseil général à l’environnement et au développement durable (CGEDD), qui propose, le 5 avril, deux solutions : l’aéroport à Notre-Dame-des-Landes mais avec une seule piste sur les deux prévues, ou le réaménagement de Nantes Atlantique.

Le 11 février, François Hollande propose un référendum local. Il se tiendra sur le seul département de Loire-Atlantique et donnera, le 26 juin, la victoire aux partisans du transfert de l’aéroport vers Notre-Dames-des-Landes (55,1 % pour).

En avril, la Commission européenne classe le contentieux, engagé trois ans plus tôt, sur le non-respect par la France des réglementations sur les impacts environnementaux des projets d’infrastructure. La cour administrative d’appel de Nantes valide, elle, en novembre, les arrêtés préfectoraux – le Conseil d’Etat est toujours saisi des recours des opposants.

2017-2018 : les dernières consultations ?

Avec l’élection d’Emmanuel Macron en mai, puis la nomination de Nicolas Hulot – opposant au projet d’aéroport – à la tête du ministère de la transition écologique et solidaire, le suspense est relancé. Suivant une promesse de campagne, le chef de l’Etat annonce qu’il prendra une décision après avoir pris connaissance d’un ultime rapport. Trois médiateurs sont nommés le 1er juin. Mi-décembre, ils rendent leur travail sans prendre parti pour la construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes selon le projet initial ou pour le réaménagement de Nantes Atlantique. Après consultation des élus locaux, le premier ministre réaffirme que la décision sera annoncée avant la fin du mois de janvier.