Série sur Netflix à la demande

cutest james & alyssa moments *teotfw spoilers*
Durée : 07:42

Un lycéen énigmatique et psychopathe (James) : on a déjà vu ça. Une ado rebelle et bêcheuse, rejoignant la classe en cours d’année scolaire et qui attire son camarade par une attitude « je t’aime moi non plus » (Alyssa) : on a décidément déjà vu ça aussi. Par exemple, dans l’excellente minisérie Born to Kill, de Tracey Malone et Kate Ashfield, qu’a diffusée Canal+ au début du mois de janvier. Mais si The End of the F***ing World – que l’on traduira en toutes lettres par « La fin de ce putain de monde » –, de Charlie Covell, emprunte la même voie qu’un thriller, il n’est pas aussi noir et glaçant.

Sam, dans Born to Kill, cachait son implacable destin de meurtrier en série derrière des sourires ravageurs. James, aussi masochiste que sadique et peu avenant, ne parvient à passer à l’acte qu’avec des animaux. S’il se retrouve à tuer l’un de ses congénères, c’est en situation de légitime défense. C’est par le passage à l’acte que James comprend qu’il n’est pas un psychopathe, ainsi qu’il le déclarait au début du premier épisode. Mais cette preuve par l’absurde va lourdement peser sur son destin, celui, dès lors, d’un fugitif, qu’il partage avec Alyssa. Mais plus ils fuient la réalité, plus les deux adolescents – en fait James a presque 18 ans – appréhendent le lourd cahier des charges de la vie.

Humour doux-amer

Autre point de ressemblance avec Born to Kill, The End of fait une radiographie, encore plus subtile, des relations cabossées entre enfants et parents. Dans les deux séries, l’un des géniteurs est absent ou a disparu. Sam, dans Born to Kill, et Alyssa, dans The End of, vont chacun à leur manière confronter la réalité de leurs pères respectifs à l’image fantasmatique qu’ils avaient d’eux.

Absent dans Born to Kill, un humour doux-amer éclaire heureusement la noirceur de The End of. On le relève en particulierdans les scènes où une nuit bien arrosée précipite les deux enquêtrices chargées de l’affaire dans le mê­me lit. L’une d’entre elles voudrait remettre ça ; l’autre non.

Joués de manière attachante et fine par Gemma Whelan et Wunmi Mosaku, ces personnages donnent envie d’en savoir plus sur elles. Mais The End of ne s’écarte pas trop de son fil conducteur, celui mené par les deux adolescents qui poursuivent leur route à bord de voitures volées, vers la caravane où vit le père d’Alyssa, qu’elle n’a pas vu depuis des lustres.

THE END OF THE F***ING WORLD Official Trailer (2018) Netflix
Durée : 02:41

La cavale façon road-trip – un classique, là aussi – de James et Alyssa donne au récit, concentré et dense, un air d’autre planète qui aère cette sombre affaire. La réalisation parvient même à donner à l’Angleterre côtière que parcourent les deux jeunes fugitifs un air de grands espaces nord-américains, désolés et sublimes.

Au point même qu’on pense parfois à Paris, Texas (1984), de Wim Wenders. Lorsque la dernière compagne du père ouvre la porte aux deux adolescents et va leur révéler l’adresse de ce dernier, on croirait d’ailleurs presque voir Nastassja Kinski trente-cinq ans plus tard…

La fin, qu’on ne dévoilera pas, laisse ouvert le champ des possibles, quoi qu’on ne doute guère de ce qu’il adviendra. Comme dans Born to Kill, il y est affaire de mer, de plage, de bateau. Mais, une fois encore, ces coïncidences sont probablement hasardeuses et, en aucun cas, elles ne diminuent les mérites et les singularités respectifs de ces deux séries de début d’année.

The End of the F***ing World, série créée par Charlie Covell. Avec Alex Lawther, Jessica Barden, Gemma Whelan, Wunmi Mosaku, Steve Oram (GB, 2017, 8 x 20 min).