L’éducation va-t-elle redevenir une priorité de l’aide internationale en Afrique ? La conférence de reconstitution des ressources du Partenariat mondial pour l’éducation (PME), prévue les 1er et 2 février à Dakar, aura valeur de test. Le PME est le seul fonds multilatéral consacré à l’éducation. Il cible les pays les plus pauvres et, en leur sein, les populations les plus fragiles. Les pays du continent en sont donc les principaux bénéficiaires.

La France plaide depuis plusieurs mois pour une aide accrue à l’éducation. Lors de son déplacement à Ouagadougou, au Burkina Faso, en novembre 2017, Emmanuel Macron a réaffirmé que l’éducation serait « la priorité absolue du nouveau partenariat » que la France veut établir avec l’Afrique. Avec une attention particulière portée à la formation des enseignants et à la scolarisation des filles.

Ces paroles s’inscrivent dans un contexte marqué par le recul des soutiens financiers internationaux. Depuis le début de la décennie, l’aide publique au développement consacrée à l’éducation par les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) stagne, globalement, mais en Afrique subsaharienne elle a subi une coupe importante.

En 2016, elle s’élevait à 2,7 milliards de dollars (2,6 milliards d’euros), contre 3,7 milliards six ans plus tôt. Le désengagement de la France explique pour une bonne part ces chiffres. L’aide française a été presque divisée par trois, passant de 819 millions de dollars en 2010 à 307 millions en 2016. Et par dix si on considère les crédits affectés à la formation des enseignants, aujourd’hui mise en avant par Paris.

Les filles laissées à la maison

Les enfants africains sont pourtant loin de jouir d’un enseignement pour tous, promesse faite à l’aube du siècle avec les Objectifs du millénaire pour le développement et prolongée en 2015 par les Objectifs de développement durable.

Des progrès ont été réalisés. La plupart des pays consacrent une part plus importante de leurs ressources budgétaires à l’école. Globalement, l’accès à l’école primaire profite à 80 % des enfants, contre 64 % en 2000. Et près de quatre enfants sur dix vont au collège, contre moins de trois il y a quinze ans.

Pour autant, cette course vers l’éducation universelle s’est souvent faite au détriment de la qualité de l’enseignement et en laissant plus souvent à la maison les filles que les garçons. En République démocratique du Congo (RDC), au Mali, en Ethiopie, une fille va deux fois moins longtemps à l’école que son frère.

Le Niger, avec le taux de croissance démographique le plus élevé du monde, concentre avec une acuité sans égale tous les problèmes que doivent résoudre les Etats du continent. Quelque 500 000 nouveaux élèves frappent aux portes des écoles chaque année : il faut construire des classes, acheter des tables, des bancs, des livres scolaires, former des enseignants…

Cela suppose des moyens financiers dont le Niger, avant-dernier au classement de l’indice de développement humain des Nations unies, ne dispose pas. Il peine déjà à rémunérer ses enseignants, dont les mouvements de grève pour réclamer leurs traitements sont récurrents. Un fonds commun sécurisé pour l’éducation de base rassemble plusieurs gros bailleurs de fonds, mais, pour le moment, il ne couvre que 2 % du budget 2018 de l’éducation.

Universités virtuelles

Face à l’ampleur des besoins, certains pays sont tentés de faire des choix. Par exemple, privilégier l’enseignement supérieur et construire à tour de bras des universités, comme l’Ethiopie pour servir son rêve d’émergence, au détriment de l’accès à l’éducation dans le primaire. D’autres, comme le Sénégal, imaginent que l’éducation numérique pourrait être une réponse et misent sur des universités virtuelles pour répondre à l’afflux d’étudiants.

D’ici à 2030, 170 millions d’enfants supplémentaires devront être scolarisés. Les systèmes éducatifs déjà sous tension ne pourront faire face à cette nouvelle vague sans appui financier. A fortiori si l’ambition doit être d’offrir un avenir à cette jeunesse aujourd’hui confrontée au chômage de masse. C’est à ce prix que l’Afrique pourra tirer profit, comme d’autres régions en développement avant elle, de son dividende démographique. Sur le continent, les pays qui sont les mieux classés sur l’indice de développement humain, comme l’Afrique du Sud, le Botswana ou la Namibie, sont également ceux où la durée moyenne de scolarité est la plus longue.

Il existe cependant des enseignants, comme Maxime Sou au Burkina Faso, dont la flamme permet de dépasser des difficultés qui paraîtraient insurmontables au commun des mortels. Dans sa classe de 132 élèves, cet instituteur de Bobo-Dioulasso, la deuxième ville du pays, conduit année après année ceux qu’ils considèrent un peu comme ses enfants vers 100 % de réussite aux examens.

Il est l’un de ces « héros » que nos reporters ont rencontrés tout au long de cette traversée du continent. De l’Ethiopie au Sénégal, douze pays ont été parcourus à la rencontre des écoliers, des étudiants, des enseignants, des parents aussi, qui bien souvent sacrifient une part importante de leurs ressources pour que leurs enfants aient une éducation et un avenir meilleurs. Nous publierons chaque jour, pendant un mois, les « cartes postales » de ce périple à travers des paysages rugueux où les montagnes à gravir, les falaises à franchir s’invitent plus souvent que les plaines aux horizons balisés.

Cette série a été réalisée en partenariat avec l’Agence française de développement (AFD).

Sommaire de notre série La classe africaine

Présentation de notre série : La classe africaine

De l’Ethiopie au Sénégal, douze pays ont été parcourus pour raconter les progrès et les besoins de l’éducation sur le continent.