Nora Mork est une icône en Norvège. / PATRIK STOLLARZ / AFP

En pleine montée en puissance dans l’Euro 2018 en Croatie, après une courte défaite inaugurale contre les Experts, l’équipe norvégienne de handball se retrouve prise dans une polémique fort éloignée du terrain. La star norvégienne du handball féminin, Nora Mork, a dénoncé – sans les nommer – mardi 16 janvier certains de ses homologues de l’équipe masculine d’avoir laissé circuler des photos intimes d’elle issues du piratage de son téléphone.

Au pays des fjords, Nora Mork est une icône. Meilleure marqueuse des trois dernières compétitions internationales, (Jeux olympiques 2016, Euro 2016 et Mondial 2017, où son équipe s’est inclinée en finale face aux Bleues), l’arrière droit du club hongrois de Györ a une voix qui porte. Elle a dominé la décennie écoulée avec son équipe nationale à l’instar des Bleus de France chez les hommes. Toutes proportions gardées, c’est comme si Nikola Karabatic accusait des joueuses de l’équipe de France d’avoir fait circuler des images intimes volées sur son téléphone.

La joueuse menace d’arrêter sa carrière en équipe nationale

Comme de nombreuses célébrités – notamment à Hollywood lors du piratage massif de 2014 –, Nora Mork a été victime du piratage de son téléphone. Et à l’automne dernier, plusieurs clichés, ne concernant que la jeune femme, se sont retrouvés sur Internet. Si elle a alors reconnu avoir « été complètement brisée » par cette intrusion dans sa vie privée, la joueuse de 26 ans s’est reprise et a porté ses coéquipières jusqu’en finale du Mondial en décembre, n’échouant à conquérir une nouvelle couronne que dans les dernières minutes face aux Françaises.

L’affaire a rebondi mardi avec la publication dans le tabloïd VG d’une interview de la joueuse. Affirmant que des joueurs de l’équipe norvégienne masculine ont eu accès à ses clichés dans le plus simple appareil et les ont fait circuler au sein de l’équipe, Nora Mork réclame des excuses publiques de la part de la Fédération norvégienne de handball (NHF), qui était, selon elle, au courant de la situation depuis la fin du mois d’octobre. Un fait que réfute la NHF, qui a refusé de discuter publiquement de la situation. Face à ce qu’elle voit comme une fin de non-recevoir, la joueuse affirme « hésiter à poursuivre [sa] carrière en équipe nationale » : « Je ne sais pas si je veux porter le maillot d’une fédération qui protège davantage les collègues qui commettent du harcèlement sexuel que moi-même. »

Dans un pays mettant le respect des droits des femmes au premier plan – depuis octobre, les femmes et les hommes de l’équipe nationale de football gagnent les mêmes primes –, cette tribune a fait grand bruit. Et plusieurs de ses coéquipières, parmi lesquelles la capitaine Stine Oftedal et la gardienne Kari Grimsbö, ont cosigné une lettre de soutien envoyée à la NHF.

Les joueurs reconnaissent « ne pas avoir réfléchi »

A plusieurs milliers de kilomètres de leur terre natale, sur le terrain de la Zagreb Arena, les Norvégiens ont entamé par le bon bout le second tour de cet Euro hivernal. Battus in extremis par la France en entame de la compétition (32-31), les vice-champions du monde ont pris le dessus jeudi sur l’équipe de Serbie (32-27). Après la rencontre, la sélection scandinave a tenu à se focaliser sur le jeu. « No comment » de rigueur en zone mixte au sujet de leur consœur. Dans le peloton des favoris de la compétition au même titre que la France, les vice-champions du monde souhaitent rester concentrés sur le jeu.

L’équipe a toutefois répondu sur le sujet à la presse norvégienne lors de son jour de repos, mercredi. « Lors d’un rassemblement de l’équipe, certains ont reçu les images, n’ont pas réfléchi et les ont montrées à d’autres – pas tout le monde, d’après ce que je sais, a expliqué le demi-centre Christian O’Sullivan sur TV2. Par la suite, nous avons alerté Nora pour la prévenir que ces images circulaient. Elle nous a dit de les supprimer, nous l’avons fait. (…) Nous avons essayé de lui donner le soutien qu’elle mérite, mais il y a des choses qu’on aurait pu faire différemment », admet-il. Reconnaissant qu’ils ont pu agir de manière « stupide », il réfute le terme de « harcèlement » de la part de ses coéquipiers.

Soulignant son « plus grand respect pour Nora et ce qu’elle a enduré », Sander Sagosen a néanmoins regretté que sa tribune « jette le doute sur toute une équipe. » Même son de cloche chez le capitaine Bjarte Myrhol, qui a déploré le timing de l’annonce de Nora Mork, tout en affichant son soutien. Celle qui a désormais ajouté dans sa « bio » Instagram la mention « Don’t use my pics without my approval ! » (« N’utilisez pas mes photos sans mon approbation ») a reconnu mercredi ne pas avoir eu la maîtrise du moment de la publication de sa tribune. Mais, a demandé à tous les hommes d’essayer de se représenter comment une femme vit une situation pareille : « Vous ne savez pas qui vous voit, ou qui vous a vu. Vous êtes nue et vulnérable pour le reste de votre vie. »