Une réfugiée palestinienne lors d’une distribution alimentaire de l’ONU, à Gaza, le 15 janvier. / MOHAMMED SALEM / REUTERS

Editorial du « Monde ». En décidant, mardi 16 janvier, de geler une partie des fonds américains alloués aux réfugiés palestiniens, le président Donald Trump prétend incarner la rupture avec ses prédécesseurs. Sa cible est l’UNRWA (United Nations Relief and Works Agency), l’agence de l’ONU qui vient en aide à plus de cinq millions de personnes. Réparties entre la Jordanie, la Syrie, le Liban, la Cisjordanie et la bande de Gaza, ce sont les victimes – et leurs descendants – de la nakba, la « grande catastrophe », soit l’expulsion de centaines de milliers de Palestiniens de leurs villages au moment de la guerre israélo-arabe et de la fondation d’Israël, il y a soixante-dix ans.

Il est légitime de s’interroger sur le périmètre d’une mission qui se voulait à l’origine provisoire. Il n’est pas tabou de discuter de la définition d’un réfugié palestinien, même si les conventions internationales limitent les divagations sur ce sujet. On peut souligner l’ambiguïté de la puissance quasi étatique de l’UNRWA, par exemple dans la bande de Gaza. L’agence y a offert depuis dix ans – et fort heureusement ! – une bouée de sauvetage à une population à l’agonie, mais en permettant au Hamas, d’une certaine façon, de fuir ses responsabilités.

Chantage à l’argent

Rien, cependant, ne justifie la méthode employée par Washington, que seule la droite israélienne, en pleine dérive nationaliste, a applaudie. Sa brutalité et le chantage à l’argent mettent en danger la stabilité des camps de réfugiés. Ils dégradent un peu plus l’image du principal contributeur à cette mission de l’ONU. Ils sont, surtout, contre-productifs. Au lieu de pousser la direction palestinienne à entrer en négociation avec Israël, ils la radicalisent.

Donald Trump accorde visiblement plus d’importance à l’argent qu’à la parole de l’Etat et à sa continuité d’un président à l’autre, démocrate ou républicain, sur des dossiers fondamentaux. Le conflit israélo-palestinien est l’un d’entre eux. Depuis vingt-cinq ans, les Etats-Unis s’efforcent de jouer un rôle de médiateur pour parvenir à une solution négociée. Leur échec, qui est d’abord celui des parties impliquées, ne signifie pas que l’horizon privilégié était incorrect.

Méthode schizophrène

Les Etats-Unis n’ont jamais été un médiateur impartial. Leur penchant naturel en faveur d’Israël, allié stratégique, était clair. Cela n’a pas empêché les administrations successives d’apporter un soutien financier robuste à l’Autorité palestinienne et à l’UNRWA. Une fois élu, Donald Trump a voulu imprimer sa marque. Mais la méthode employée est schizophrène.

Le président américain affirme vouloir réussir le « deal du siècle ». Ses envoyés spéciaux ont multiplié les contacts dans la région. Mais, parallèlement, l’administration Trump a compromis son statut de médiateur. Elle a nommé un ambassadeur à Tel-Aviv, David Friedman, partisan déclaré des colonies, hostile à un Etat palestinien. Elle ne prend plus la peine de condamner les constructions israéliennes en Cisjordanie, comme si le droit international était devenu accessoire. Enfin, elle a offert à Israël, sans contrepartie, la reconnaissance de Jérusalem comme capitale.

Depuis, le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, ne veut plus entendre parler de médiation américaine. Amer et isolé, il creuse une tranchée face à Washington. Connaît-il déjà le plan américain en gestation, ou devine-t-il son orientation ? On voit mal, en l’état, à quel succès pourrait mener ce début d’affrontement diplomatique et financier.