La ministre de la justice de Hongkong, Teresa Cheng, le 8 janvier. / Vincent Yu / AP

La nouvelle ministre de la justice de Hongkong, Teresa Cheng, a beau être une avocate de renommée internationale, bardée de diplômes, de décorations et occupant de nombreuses fonctions en parallèle, elle n’en manque pas moins d’éloquence dans sa défense depuis sa nomination, le 6 janvier.

Le départ de son très impopulaire prédécesseur, Rimsky Yuen, réclamé de longue date par l’opposition prodémocratique, devait ouvrir une nouvelle période, apaisée, pour la justice et l’Etat de droit à Hongkong, dont l’autonomie est rudement mise à l’épreuve par les interventions de plus en plus intrusives de Pékin.

Le fiasco a commencé la veille de sa prise de fonctions quand le journal prodémocrate Apple Daily a commencé à sortir l’affaire des « agrandissements illégaux » de sa résidence principale (cave, piscine, terrasses). Face aux révélations de la presse, Teresa Cheng s’est « excusée du dérangement », mais a affirmé n’en rien savoir, évoquant son emploi du temps « très chargé » à l’époque de l’acquisition de cette propriété. Un essaim de drones a alors photographié sa maison sous tous les angles et fait apparaître des travaux parfaitement symétriques à ceux, également illégaux, de la maison voisine, qui appartient à son mari.

La chef de l’exécutif, Carrie Lam, qui comptait beaucoup sur sa nouvelle recrue, a maladroitement volé à son secours. Carrie Lam déclara notamment que le gouvernement de Hongkong était devenu une « cuisine tellement brûlante » qu’aucun chef ne voulait plus y travailler, insinuant que les Hongkongais peuvent déjà s’estimer chanceux qu’une avocate de l’envergure de Teresa Cheng accepte d’être leur ministre de la justice. « C’est une honte d’utiliser un tel argument. Il y a des dizaines de candidats parfaitement qualifiés pour ce poste », affirme un avocat du barreau qui se fait l’écho de la profession.

Circonstance aggravante

Depuis ce début difficile pour Mme Cheng, 59 ans, chaque jour a apporté un nouveau détail mettant en cause non seulement sa probité initiale mais aussi sa sincérité et sa capacité à gérer ce genre de crise. Lundi 22 janvier, un autre appartement de son patrimoine est apparu, avec lui aussi des « structures illégales ». Leur existence était d’ailleurs bien mentionnée dans le contrat d’achat signé par Teresa Cheng en personne. Elle aurait, en outre, acheté ce sixième bien immobilier comme « primo-accédant », ce qui lui permit d’économiser plusieurs millions de dollars hongkongais (700 000 euros) en taxes. Cette astuce est légale, car elle détient ses autres propriétés par le biais de sociétés et non en son nom propre, mais ce nouveau détail est venu illustrer le fossé qui existe entre les élites de Hongkong et l’immense majorité des habitants qui vivent en logements sociaux ou dans des petits espaces, le marché immobilier étant l’un des plus chers du monde.

En fait, près d’un logement sur quatre dispose d’une « structure illégale ». Les autorités n’ont jamais réussi à mettre de l’ordre dans cette dérive liée aux prix exorbitants de l’immobilier qui poussent à optimiser l’espace par tous les moyens possibles, notamment en construisant une pièce sur les toits ou en fermant un balcon pour en faire une pièce supplémentaire.

Circonstance aggravante pour Teresa Cheng, la nouvelle ministre de la justice est une ingénieure qualifiée et une avocate spécialisée dans la construction et les affaires immobilières. Elle a même publié un énorme recueil qui fait référence en la matière. Difficile de plaider l’ignorance.