Dans un centre médical de Douma, dans la Ghouta orientale, où au moins 21 victimes de suffocation ont été recensées par l’Observatoire syrien des droits de l’homme. / BASSAM KHABIEH / REUTERS

C’est un symbole fort pour tenter de reprendre la main diplomatique dans le conflit syrien. A l’initiative des autorités françaises, une trentaine de ministres des affaires étrangères représentant les Etats-unis, les grands pays européens, mais aussi des Etats africains, asiatiques ou sud-américains lancent le 23 janvier, à Paris, à un « partenariat international contre l’impunité d’utilisation d’armes chimiques ».

Un nouveau cas présumé d’emploi de gaz par les forces du régime dans des bombardements sur Douma, ville de la Ghouta orientale près de Damas, avec au moins 21 victimes de suffocation recensés par l’Observatoire syrien des droits de l’homme, rappelle l’urgence d’agir. « Il s’agit de mettre fin à l’impunité et de faire en sorte que les responsables de crimes aussi abjects finissent par rendre des comptes », explique-t-on au ministère des affaires étrangères. Depuis son élection, Emmanuel Macron n’a cessé de répéter que l’emploi du chimique en Syrie est une « ligne rouge » et que Paris est prêt à prendre l’initiative de représailles.

« Paradoxe »

L’objectif de ce partenariat est de trouver des moyens de contournement en s’appuyant sur les compétences des Etats alors que la situation est bloquée au Conseil de sécurité de l’ONU où Moscou, par deux fois, en novembre 2017, a fait usage de son droit de veto. Un mois plus tôt les enquêteurs du JIM, la mission conjointe créée par l’ONU et l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), avaient conclu à la responsabilité du régime dans l’attaque au gaz sarin contre le village de Khan Cheikhoun, en avril 2017, qui avait fait au moins 80 morts.

L’OIAC a, par ailleurs, estimé que le régime n’a pas démantelé intégralement ses stocks d’armes chimiques malgré les engagements pris avec le parrainage de la Russie à l’automne 2013 pour éviter les frappes françaises et américaines après un bombardement au gaz sarin qui avait fait plus de 1 000 morts près de Damas. L’organisation Etat islamique a également plusieurs fois utilisé des obus avec du chlore et du gaz moutarde.

En collectant et en préservant les données sur les responsables d’utilisation de telles armes, en dressant des listes noires de personnes ou d’entités impliquées et en lançant des sanctions économiques – gel d’avoirs, interdiction de visa –, voire, à terme, des procédures judiciaires, les pays participants veulent notamment cibler les réseaux qui ont contribué et contribuent encore à alimenter l’arsenal du régime syrien. Mais il n’est pas le seul concerné. Le régime nord-coréen n’a pas hésité à utiliser du gaz VX, arme chimique sophistiquée, pour éliminer en Malaisie le demi-frère de Kim Jong-un et opposant potentiel.

« Le paradoxe est là : alors même que l’interdiction est universelle avec 192 pays signataires de la convention de 1993 interdisant la production et l’utilisation des armes chimiques, jamais celles-ci n’ont été autant utilisées que maintenant par des acteurs étatiques ou non étatiques », relève un haut diplomate. D’où la volonté de donner ce signal politique de lutte contre la prolifération. Un certain nombre des participants de la conférence, dont le secrétaire d’Etat américain, Rex Tillerson, devraient aussi faire un point général sur la situation syrienne.