Alexandre Bompard, PDG de Carrefour, à La Défense, le 23 janvier. / ERIC PIERMONT / AFP

Editorial du « Monde ». Alors que toutes les attentions se portent sur l’attractivité de l’économie française, l’un de ses fleurons se débat pour ne pas passer dans la catégorie des chefs-d’œuvre en péril. Le nouveau PDG de Carrefour, Alexandre Bompard, a présenté, mardi 23 janvier, un nouveau plan de transformation du groupe. En perte de vitesse, le distributeur est passé en quelques années du deuxième au neuvième rang mondial du secteur, tandis qu’en France il s’est fait dépasser par Leclerc.

Conquérant jusqu’au début des années 2000, Carrefour connaît, depuis, une succession de PDG plus ou moins mal inspirés, qui ont tenté d’endiguer l’essoufflement de son principal atout : le concept de l’hypermarché.

Les raisons du malaise sont nombreuses. Le modèle s’est bâti dans un contexte de consommation forte et de concurrence faible. Aujourd’hui, ces paramètres se sont inversés. Les grandes surfaces spécialisées (dans l’électroménager, l’électronique ou le bricolage), le maxidiscompte ou encore des formats de proximité ont mieux su s’adapter aux changements des habitudes de consommation, au vieillissement de la population, à la multiplication des foyers unipersonnels et, plus récemment, à la pression sur le pouvoir d’achat. L’explosion du commerce électronique et la numérisation de certaines tâches sont en train de porter l’estocade à un système devenu trop lourd et trop lent à s’adapter.

Le plan stratégique présenté par M. Bompard, arrivé il y a sept mois à la tête de l’entreprise, vise principalement à s’attaquer à cette lourdeur. La mesure la plus spectaculaire consiste à supprimer un quart des effectifs du siège social. A force d’attrition, le nombre de salariés de Carrefour en France est ainsi revenu au niveau existant au moment de la fusion avec Promodès, il y a dix-neuf ans.

Une stratégie plus financière qu’opérationnelle

Autre décision douloureuse : la cession de 273 magasins de l’enseigne Dia, en perte depuis leur rachat il y a trois ans. Parallèlement, la nouvelle direction veut réduire la taille de certains hypermarchés et réaffecter les surfaces disponibles à la préparation des commandes sur Internet. Un domaine où le groupe a annoncé son intention de multiplier par six ses investissements – soit 2,8 milliards d’euros d’ici à 2022. Côté rayons, Carrefour veut accélérer sur le bio et développer ses enseignes de proximité.

Ce plan s’attaque-t-il à la racine du mal ? Le problème de Carrefour n’est pas de faire un peu plus de bio et d’Internet, un peu moins de produits non alimentaires et de faire passer quelques magasins en location-gérance. Pour l’enseigne, l’essentiel consiste aujourd’hui à retrouver et adapter ses fondamentaux – simplicité et qualité de l’offre au meilleur prix – dans un secteur en pleine révolution. Au fil des ans, Carrefour a brouillé son image et a fini par perdre son identité. A partir de 2012, Georges Plassat, le prédécesseur de M. Bompard, a montré la voie, mais il s’est rapidement heurté à la lourdeur de l’entreprise. Ses problèmes de santé ont anéanti les derniers espoirs de retrouver ce qui a fait la force de Carrefour pendant des décennies.

Les recettes du nouveau PDG visent, pour l’essentiel, à abaisser les coûts, tout en faisant disparaître les foyers de pertes. Une stratégie plus financière qu’opérationnelle, qui a surtout pour objectif de répondre à l’impatience grandissante des principaux actionnaires, déçus par l’évolution du cours de Bourse. Les mesures annoncées sont de nature à le faire remonter à court terme, mais rien ne dit qu’elles seront suffisantes pour restaurer ce fleuron de l’économie française.