Ce sont de petites cabines feutrées, vitrées et fermées, équipées d’une banquette et d’une petite table. Ces dernières années, Julien Diard, patron d’une agence de design de bureaux parisienne, s’était habitué à en installer une à deux par mois dans les bureaux de ses clients. C’était déjà beaucoup. « Mais aujourd’hui, la demande explose. En ce moment, on en installe une tous les deux jours », s’étonne le fondateur de Moore Design.

Alors que l’on décloisonne toujours plus les plateaux de travail, que les open spaces et les bureaux partagés sont devenus les modes d’aménagement par défaut, en particulier pour les jeunes générations, le marché des cabines d’isolation acoustique est en pleine croissance. Ces nouveaux équipements commencent à faire partie du paysage des start-up, des PME, des tiers lieux et des grands groupes. Elles répondent à deux problèmes : le niveau sonore élevé des open spaces, source de baisse de productivité, et le besoin de confidentialité pour passer certains appels ou mener certains têtes à têtes.

« C’est un équipement qui participe du bien-être au travail », estime Julien Diard. Portées aussi par le développement des « flex offices » (bureaux nomades) et par l’utilisation de plus en plus exclusive des téléphones portables dans la vie professionnelle (au détriment des lignes fixes), ces cabines permettent aussi de « résoudre le problème des salles de réunions et des couloirs encombrés par des gens qui y passent des coups de fils, alors que ce n’est pas leur vocation », remarque Julien Diard. Elles seraient finalement symptomatique d’une conception des lieux de travail portée par les « millenials », où l’on passe d’un espace à l’autre selon ses usages et ses tâches : un canapé, une table de cuisine, une salle de réunion, une cabine, un bureau de travail plus classique…

En Europe, Framery, leader de ce marché des cabines acoustiques, compte parmi les start-up ayant connu l’une des plus fortes croissances du continent, selon un classement réalisé par Deloitte. La société, créée en 2010, fabrique toutes ses cabines en Finlande, où elle est basée. En 2015, son chiffre d’affaires atteignait cinq millions d’euros. « En 2017, nous sommes arrivés à 40 millions », se félicite Olli Loikala, responsable des ventes pour l’Europe de l’Ouest, qui ajoute que la France est « l’un des marchés avec la plus forte progression, avec près de 10 % de nos ventes ». La demande vient surtout « des générations les plus jeunes ». Celles qui travaillent en open spaces et ne remettent pas en cause ce mode d’organisation, « mais pour qui il est tout à fait naturel de changer d’espace lorsque cela se justifie », explique-t-il.

Reste que si ces cabines résolvent des problèmes, elles en créent un autre : celui de leur coût. Chez Framery, il faut compter environ 8 000 euros par unité. Une offre de location longue durée se développe à destination des start-ups. Mais elles restent un investissement conséquent. Sans atteindre la confidentialité totale, d’autres solutions existent afin de faire diminuer le volume sonore des open spaces. Julien Diard a développé une offre de panneaux isolants sur-mesure, qu’il fait produire en Italie - ses ventes augmentent de 20 à 30 % par an depuis cinq ans. Il a aussi mis au point une « cabane » en feutre, afin d’y envelopper les bruyants photocopieurs.

Pour palier au collègues bavards et aux conversations dérangeantes, une autre entreprise a développé une technologie de « masquage sonore ». Les boîtiers Silent Space, commercialisés depuis l’année dernière, diffusent un bruit doux et diffus (« un bruit rose », selon les termes des acousticiens) centré sur les fréquences de la parole, et qui s’adapte au niveau sonore de la pièce. Le signal émis permet de réduire le volume sonore perçu, et surtout de « casser l’intelligibilité de la parole du collègue de derrière », explique Frédéric Lafage, à l’origine de cette technologie. « Les pics de bruits sont adoucis et moins gênants. » Un signal lumineux, dont la couleur varie, prévient aussi lorsqu’un certain niveau sonore a été dépassé, par exemple lors d’un échange informel entre deux collègues autour d’un bureau. Depuis un an, Frédéric Lafage affirme avoir vendu ses boitiers à « une douzaine » de grands comptes et à quelques PME. Son carnet de commandes pour 2018 est déjà bien rempli : il pense doubler son chiffre d’affaires cette année.

Ce thème sera au centre d’une conférence organisée par Le Monde vendredi 2 février de 8h30 à 10h30. Inscription gratuite en ligne.