Au cœur des discussions entre le pouvoir exécutif et les représentants de la collectivité unique de Corse, la question du statut constitutionnel de la Corse, sur laquelle veille scrupuleusement le Conseil constitutionnel. S’il admet que la Corse est une collectivité territoriale spécifique, il s’oppose en revanche à ce qu’elle puisse être dotée d’une autonomie comparable à celle de certains territoires d’outre-mer.

Toutefois, cette jurisprudence du « statut de la Corse » apparaît au fil du temps passablement ébréchée par les évolutions institutionnelles intégrées dans la Loi fondamentale, notamment à la suite de la révision constitutionnelle de 2003 portant sur l’organisation décentralisée de la République.

« Les principes d’unicité du peuple français et de la langue française, osons l’avouer, sont mis à mal, malgré les fortes résistances des administrations centrales de l’Etat, depuis cette révision », notait le constitutionnaliste Guy Carcassonne dans une étude réalisée en 2013. Et il ajoutait : « Il est indécent, illogique et insultant que la Corse ne soit pas mentionnée dans le texte suprême. »

Tenir compte de ses spécificités

Dans un rapport remis jeudi 18 janvier à la Collectivité de Corse, la professeure de droit public Wanda Mastor, qui avait déjà participé à l’étude coordonnée par Guy Carcassonne, plaide pour un nouvel article de la Constitution qui reconnaîtrait à la Corse un statut tenant compte de ses spécificités au sein de la République. Elle rappelle le discours prononcé par le candidat Emmanuel Macron, le 7 avril 2017, à Furiani : « Est-ce qu’il faudra aller plus loin, modifier le cadre législatif et réglementaire, réviser la Constitution pour permettre de nouvelles adaptations ? (…) Sur ce sujet, comme sur tous les autres, je suis ouvert au dialogue. »

Pour la constitutionnaliste, « il est impensable que la Corse en reste à un statut hybride et silencieux ». S’appuyant sur les exemples étrangers et, en ce qui concerne certaines collectivités d’outre-mer, sur la large autonomie accordée à la Nouvelle-Calédonie, Mme Mastor considère que « l’autonomie interne d’une région n’entraîne pas la violation du principe d’indivisibilité de la République ».

M. Macron, dans son discours de Furiani, n’estimait-il pas que « la République est suffisamment forte pour accueillir des particularités en son sein » ? « Parce que la République est indivisible et en même temps plurielle, n’en déplaise à certains », ajoutait-il. L’heure est venue pour le chef de l’Etat de frotter ses convictions à l’épreuve du réel.