Les frères Karabatic affrontent la nation de leur père, à Zagreb. / MARKO DJURICA / REUTERS

« On peut gâcher leur fête. » Après un parcours sans écueils, l’équipe de France de handball affronte mercredi 23 janvier la Croatie (20 h 30, sur BeIN Sports 2) pour son dernier match du tour principal de l’Euro 2018. Pour Luka Karabatic, auteur d’une performance pleine face à la Serbie (9 buts) après avoir raté le début de la compétition en raison d’une blessure, la rencontre face à l’hôte croate, dos au mur, lui, sera « le match le plus difficile, en raison de l’atmosphère et l’ambiance, des facteurs qu’on n’a pas connu jusqu’à présent ».

Si les Bleus, invaincus dans la compétition, et ayant marqué les esprits en brisant samedi les vagues suédoises (23-17), ont de bonnes chances de se qualifier pour les demi-finales (voir encadré), la Croatie dispose de moins d’options. Battus par la Suède, les joueurs de Lino Cervar sont dans l’obligation de s’imposer face aux Bleus et – suivant les scénarios – d’espérer un résultat favorable de la Norvège contre leur voisin scandinave.

L’alambiqué système de points de la compétition est de plus en plus remis en cause par les joueurs des différentes équipes. Il prévoit qu’en cas d’égalité entre trois équipes, la différence de buts sur les rencontres impliquant ces trois équipes prime, ce qui oblige joueurs, encadrements et toute personne suivant la compétition à travailler son calcul mental. « On ne peut pas occulter les calculs, c’est le côté négatif de cette formule de groupes, regrette le leader du jeu français Nikola Karabatic. Ce n’est pas “tu gagnes, tu continues la compétition, tu perds, tu rentres à la maison”. »

Sur la route des demi-finales

La France est qualifiée si :

  • Elle ne perd pas contre la Croatie
  • Elle perd contre la Croatie mais la Suède ne bat pas la Norvège
  • Elle perd contre la Croatie avec sept but d’écarts (au maximum) et la Suède bat la Norvège
  • Elle perd contre la Croatie avec huit buts d’écart, mais marque au moins trente buts, et la Suède bat la Norvège

La France est éliminée si :

  • Elle perd contre la Croatie avec neuf buts d’écart (ou plus)
  • Elle perd contre la Croatie avec huit buts d’écart, mais ne marque pas plus de vingt-huit buts

Souvenir de la finale du Mondial 2009

« Spéculer, c’est déjà perdre le match », avertit Didier Dinart. L’ancien pilier de la défense française devenu entraîneur des Experts anticipe « une ambiance très hostile ». Et le sélectionneur est bien placé pour le savoir. En 2009, il était sur le terrain de cette même Arena Zagreb lorsque les Bleus avaient brisé les rêves de tout un peuple en s’imposant en finale du Mondial face à la Croatie. Quatre de ses coéquipiers d’alors font encore partie de l’équipe, parmi lesquels Nikola Karabatic et Cédric Sorhaindo. De la finale de 2009, le capitaine des Bleus se rappelle d’une « atmosphère terrible » et des « portables et des piles qui tombaient sur le terrain ». « On avait fait les courses pour rentrer à la maison », plaisante aujourd’hui Didier Dinart.

Lors de cet Euro, les Français ont disputé jusque-là leurs matchs face à des tribunes aux trois quarts vides. La palme revenant à la rencontre de lundi face à la Serbie (remportée 39-30) : afin de dissimuler l’absence de spectateurs (1 700 au total), les organisateurs ont drapé l’anneau supérieur de la salle zagréboise d’un long rideau noir. Rien à voir avec ce qui les attend ce mercredi. Face à la Croatie, les 15 000 sièges de l’Arena Zagreb seront occupés, et une horde ardente voudra leur faire vivre l’enfer.

Samedi, la Norvège n’a pas résisté à cette folie croate. Arrivés pleins de certitudes après de solides performances, les coéquipiers du Parisien Sander Sagosen ont été pris à la gorge d’entrée par les Croates et se sont inclinés (32-28), hypothéquant leur avenir dans la compétition. « C’était la plus grosse ambiance que j’ai vue jusqu’à présent, constate Luka Karabatic. La salle est immense, et pas une personne ne reste assise, ne pousse pas ou ne chante pas. Il y avait une pression immense sur la Norvège et c’est le risque pour nous aussi. Dans ces ambiances-là, les temps faibles peuvent être amplifiés et l’on peut vite avoir la tête sous l’eau. A nous de garder la tête froide. »

« Tout est réuni pour que les Croates fassent un grand match »

« C’est un moment qui marque à vie, prévient Cédric Sorhaindo. Ils poussent leur équipe, et ce sont des fanatiques. Mais c’est gratifiant pour eux et pour le handball de jouer avec leur peuple derrière eux. » Capitaine d’une équipe « renouvelée au tiers, comme le Sénat », selon la formule du directeur technique national Philippe Bana, le pivot des Bleus a tout fait pour préparer ses coéquipiers à l’ambiance qui les attend.

« C’est le scénario rêvé pour [les Croates], devant leur public, de pouvoir battre la France de cinq, six ou sept buts avec 2009 en tête, explique Valentin Porte, s’attendant à un « grand moment de handball ». L’ailier de Montpellier est l’un des Bleus qui n’avait jamais joué dans l’Arena Zagreb, pas même en Ligue des champions, avant le tour principal de cet Euro. Tout est réuni pour qu’ils fassent un très grand match et ça me fait saliver car ça reste du sport, on ne va pas à la guerre. »

« On joue au haut niveau pour vivre des moments comme ça, c’est une motivation », abonde un Didier Dinart tranquille, qui perdra mercredi son record de matchs disputés dans un Euro. Au profit de son joueur, Nikola Karabatic. A la tête d’une équipe « sereine, car s’étant donné les moyens de se qualifier pour les demi-finales », le sélectionneur des Bleus sait ce que ses joueurs doivent accomplir pour passer l’écueil croate. « De toute façon, si on perd de huit buts, c’est qu’on n’avait pas notre place dans cet Euro », conclut-il philosophe.

Croatie-France, mercredi 23 janvier à 20 h 30. Sur Bein Sports 2. Live sur Le Monde. fr