A deux semaines des Jeux olympiques d’hiver de Pyeongchang, les noms des premiers sportifs russes de premier plan qui ne seront pas autorisés à y participer ont commencé à filtrer. Ces annonces ont déclenché la fureur des instances sportives russes, mais elles ont été défendues, mercredi 24 janvier, par le Comité international olympique (CIO).

Pour le président du CIO, Thomas Bach, les mises à l’écart sont justifiées par l’addition de plusieurs éléments, et ne veulent pas dire que les athlètes concernées ont été pris en flagrant délit. Il a détaillé le processus lors d’une conférence téléphonique, citée par l’AFP :

« Si tel athlète n’est pas sur la liste, alors le panel indépendant a de sérieux indices par différentes sources, par différents moyens (…) qui ne lui permettent pas de dire qu’il n’y a pas de soupçon sérieux. Il peut y avoir un soupçon, il peut même y avoir une procédure en cours, il peut y avoir beaucoup de facteurs qui n’ont pas conduit à satisfaire le panel ».

Quant aux informations sur lesquelles se base le CIO, cela peut être, selon M. Bach :

  • Le passeport biologique de l’athlète
  • Le profil stéroïdien de l’athlète
  • Des analyses sur les données récupérées au laboratoire de Moscou,
  • Des anomalies au niveau de l’ADN dans certains échantillons qui laisseraient supposer une manipulation
  • Des éléments provenant du rapport McLaren sur un système de dopage institutionnalisé (Richard McLaren est le juriste canadien qui a dévoilé le système de dopage russe organisé entre 2011 et 2015 ; la Russie, en tant que nation, a été suspendue des JO d’hiver pour cette raison).

C’est un panel du CIO qui décide en effet quels athlètes russes jugés « propres » pourront ou non participer aux Jeux olympiques d’hiver. A sa tête, l’ex-ministre française des sports, Valérie Fourneyron, avait déjà déclaré que les sportifs qui seraient écartés n’étaient « pas nécessairement » dopés.

« Nous voulions être absolument certains qu’il n’y ait pas le moindre doute ni la moindre suspicion à propos de l’un des athlètes qui seront invités ».

Cette liste noire, qui doit être publiée en totalité le 26 janvier, comprend d’ores et déjà des sportifs de haut rang comme le sextuple champion olympique de short-track Viktor Ahn, le champion olympique de biathlon Anton Shipulin, le champion du monde de ski de fond Sergei Ustyugov et la patineuse Ksenia Stolbova, sacrée vice-championne d’Europe la semaine dernière.

Selon une source proche de l’enquête menée par Richard McLaren, contactée par Le Monde, c’est bien les échantillons de ces sportifs recueillis lors des JO Sotchi en 2014, manipulés depuis, qui justifient leur mise à l’écart.

En Russie, instances sportives et athlètes de premier rang ont critiqué la décision du CIO. Le président de la fédération de patinage de vitesse Alexeï Kravtsov s’est, par exemple, dit « indigné par la décision injuste du panel du CIO d’exclure presque tous nos leaders sportifs des JO », qualifiant le CIO de « despote et tyran ».

La possibilité d’un boycott des JO d’hiver avait déjà été évoquée dans certaines sphères du pouvoir après l’exclusion du pays. L’option avait finalement été écartée par le président russe, Vladimir Poutine. Mercredi, elle est redevenue d’actualité. Au Kremlin, le porte-parole Dmitri Peskov a réagi en expliquant que « le plus important, c’est de garder la tête froide ». « Il est important d’éviter l’emploi de mots comme boycott. Il faut discuter avec le Comité international olympique et défendre leurs droits dans la mesure du possible », a-t-il souligné.