Le professeur Lin vérifie le niveau de connaissance de ses élèves à l’institut Confucius, à l’université de Makerere (Kampala), le 7 décembre 2017. / Gaël Grilhot

Derrière le petit pavillon de l’institut Confucius de Kampala, au sein du campus verdoyant de Makerere, un bâtiment préfabriqué a été installé au milieu d’un jardin. Sous l’œil bienveillant du philosophe chinois, dont deux portraits encadrent le tableau noir, une vingtaine d’étudiants ougandais tentent de répondre au contrôle de connaissances en mandarin. Même s’ils ne font partie que d’un cycle d’apprentissage court, les élèves maîtrisent déjà les fondamentaux de la prononciation et possèdent pas mal de vocabulaire.

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Jeune, petites lunettes cerclées posées sur un visage poupon, le professeur Lin, lui-même étudiant en anglais (la langue nationale ougandaise), est arrivé il y a peu de sa province du Hunan. « Nous nous entendons parfaitement avec les élèves, affirme-t-il enthousiaste. Ils m’ont donné un nom local, Opio Mutumba Sekyio, dont je suis très fier. Et certains d’entre eux se trouvent également un nom chinois. » Mais le professeur Lin sait parfaitement que les étudiants ne viennent pas ici uniquement pour tisser des liens d’amitié avec les ressortissants chinois. « La plupart sont là pour leur carrière, reprend le professeur Lin. Pour travailler avec les entrepreneurs ou les industriels chinois, c’est un très gros atout de pouvoir s’exprimer en mandarin. »

« Je veux avoir des Chinois sous mes ordres »

La Chine est le premier investisseur direct étranger en Ouganda, avec près de 4 milliards de dollars par an. Travaux publics, chemins de fer, commerce, et bientôt pétrole : les entreprises de l’Empire du milieu ont depuis longtemps pénétré le marché ougandais. La mise en place de l’institut Confucius fin 2014, en partenariat avec l’université chinoise de Xiangtan, entend renforcer encore plus les relations entre les deux pays. Benjamin, la vingtaine, inscrit en master, ne cache d’ailleurs pas ses ambitions. « Je veux faire du business, travailler avec les Chinois, et même avoir des Chinois sous mes ordres », affirme cet étudiant qui a opté pour une formation longue.

Infographie "Le Monde"

« Ils sont près de 4 000 chaque année à suivre ces formations courtes de deux mois, avec possibilité de progresser par étapes, jusqu’à six niveaux », affirme Oswald Ndoleriire, linguiste et directeur ougandais de l’institut. Un quadruplement des effectifs en trois ans, qui témoigne de l’intérêt suscité par la discipline. « Quatre-vingts étudiants sont par ailleurs inscrits pour obtenir un bachelor degree [équivalent à une licence de trois ans] en sciences sociales. Ceux-là combinent le plus souvent le chinois avec d’autres matières », comme l’économie, la gestion ou l’ingénierie. La finalité de l’institut est avant tout de former des professionnels opérationnels.

A l’institut, l’atmosphère est à la révision. Les examens sont proches. Par petits groupes, des élèves revoient leurs cours sur des tableaux. Un peu réservée mais très souriante, Wang Xiaojuan avait déjà une expérience de trois ans dans l’enseignement aux Philippines quand elle a accepté de prendre un poste à l’institut Confucius de Kampala. Lorsqu’on l’interroge sur les capacités de ses élèves, elle répond avec une petite moue amusée : « Ils y mettent beaucoup de volonté ! » Avant d’ajouter : « Certains arrivent même à avoir un très bon niveau, et sont capables d’avoir une conversation courante. »

Pour les plus doués, l’apprentissage du mandarin peut mener très loin. « Après le bachelor degree, certains d’entre eux passent un autre examen », le HSK, poursuit Hong Yong Hong, l’homologue chinois d’Oswald Ndoleriire à l’institut. Ce test de niveau, reconnu à l’international, est dispensé par l’institut depuis 2017. Grâce à ce test, « près d’une trentaine d’élèves sont sélectionnés chaque année, pour effectuer une formation supplémentaire en immersion en Chine ». Un séjour tous frais payés (hormis le billet) par la République populaire, destiné à renforcer leurs connaissances, mais aussi à former des professeurs locaux.

Développement de la sensibilisation

Pour Edward Kirumira, le principal de la faculté des sciences sociales de l’université de Makerere, qui abrite l’institut Confucius, pouvoir apporter une formation de ce type est évidemment un plus « pour la réputation de l’université ». Reste que le niveau demeure assez faible, et le nombre d’étudiants qui réussissent le HSK est encore largement insuffisant. Le ministère de l’éducation travaille à une introduction du chinois dans le secondaire. « C’est important d’avoir déjà une sensibilisation, explique Edward Kirumira, afin de ne pas devoir s’attarder sur les bases en première année. »

L’ambition est partagée par le Centre national des programmes ougandais, qui a déjà autorisé que des cours soient dispensés dans quelques écoles secondaires à Kampala, et qui souhaite approfondir l’expérience. Mais ce projet risque fort de se heurter à un principe de réalité, alors que d’autres langues prioritaires, comme le swahili (indispensable dans la région), doivent également être impérativement développées. Sans oublier celles d’autres partenaires émergents en Ouganda, comme la France, qui renforcent de plus en plus leur présence.

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