Le porte-parole de Lactalis Michel Nalet lors d’une conférence de presse à Paris le 11 janvier 2018. / CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

La non-publication des comptes de Lactalis reste au cœur des débats autour du géant laitier. La question a encore été abordée, mercredi 24 janvier, au Sénat comme à l’Assemblée nationale. Pourtant, il y a un an, quasiment jour pour jour, Lactalis avait déposé ses comptes. Mais en… italien. Un exercice obligé, qui avait échappé à nombre d’observateurs.

En effet, en février 2017, l’entreprise de Laval (Mayenne) lançait une nouvelle offre publique d’achat (OPA) sur l’italien Parmalat. L’enjeu pour le flibustier : 2,26 % du capital. Une paille pour le numéro un mondial des produits laitiers. Mais, en réalité, une poutre. Car ces quelques pourcents étaient nécessaires pour atteindre le seuil fatidique des 90 %, nécessaire pour pouvoir retirer la proie italienne de la cote. Un enjeu de taille pour l’entreprise dirigée par Emmanuel Besnier, un dirigeant qui n’a pas l’habitude de rendre des comptes. Encore moins d’en publier.

Un exercice rare

Pour lancer son offre d’achat, Lactalis a dû se contraindre à lever le voile sur les chiffres. Un exercice rare. Le précédent remontait à 2011, lorsque le groupe de Laval s’était justement lancé dans une OPA hostile contre Parmalat. A l’époque, les chiffres concernaient l’exercice 2010. L’entreprise affichait alors un chiffre d’affaires de 10,4 milliards d’euros et un bénéfice net de 308 millions d’euros.

Cette fois, Lactalis a publié les données 2014 et 2015. Boulimique, le propriétaire des marques Président, Société, Lactel ou Galbani a grossi. En 2015, son chiffre d’affaires atteignait 16,8 milliards d’euros. Pour un résultat opérationnel de 1,17 milliard d’euros et un résultat net de 432 millions d’euros. Soit une marge opérationnelle de 6 % et une marge nette de 2,5 %. Loin de la marge opérationnelle de Danone, estimée à 13,8 % en 2016. Plutôt comparable à celle d’une autre entreprise agroalimentaire familiale française, Bonduelle. L’endettement, lui, se chiffrait à 2,8 milliards d’euros.

Las. L’OPA n’a pas été couronnée de succès et Parmalat reste cotée à Milan. L’entreprise de Laval, elle, n’est guère prête à renouveler cet exercice de transparence. Son porte-parole, Michel Nalet, l’a redit, mercredi 24 janvier. Auditionné par la commission des Affaires économiques du Sénat, il a toutefois reconnu qu’il ne contestait pas la nécessité de déposer ses comptes auprès du tribunal de commerce, mais qu’il s’opposait à la publication de ces données, arguant de la nécessaire protection vis-à-vis de ses concurrents.

Culte du secret

Depuis l’affaire des laits infantiles contaminés aux salmonelles dans son usine de Craon (Mayenne), qui a été révélée le 2 décembre, Lactalis est sous pression. La loi Sapin 2 a renforcé les sanctions pour les entreprises qui refusent de publier leur compte. Elle donne aussi le pouvoir au président de l’Observatoire des prix et des marges alimentaires de saisir le tribunal de commerce pour obtenir les informations. Ce qui a été fait en mars 2017. Pour l’instant sans succès à Laval.

M. Nalet s’est dit prêt à collaborer avec l’Observatoire des prix et des marges. Des députés, ont déposé, mardi un amendement dans le cadre du projet de loi sur « le droit à l’erreur », pour durcir encore les sanctions vis-à-vis des entreprises qui entretiennent le culte du secret. D’autres élus ont annoncé la création d’une commission d’enquête parlementaire pour tenter d’y voir clair, dans cette affaire de contamination aux salmonelles, qui a éclaboussé, Lactalis, la grande distribution, mais aussi les services de l’Etat.