En vertu de la circulaire de 2014, certains signes comme le tilde, partie intégrante pour certains prénoms de la langue bretonne ou d’autres langues reconnues, ne sont plus autorisés au nom du respect de la langue française. / LOIC VENANCE / AFP

Le parquet va demander une rectification à l’état-civil pour un enfant que ses parents souhaitaient prénommer Derc’hen, ce qui leur avait été refusé en raison de l’apostrophe y figurant.

« Des instructions destinées à autoriser l’utilisation de l’apostrophe dans le choix des prénoms vont être rapidement transmises à l’ensemble des procureurs de la République du ressort de la cour d’appel de Rennes » et, « à l’initiative du parquet », une rectification va être effectuée à l’état-civil afin que l’enfant puisse être enregistré sur le prénom de Derc’hen, retenu par les parents, déclare le parquet dans un communiqué, vendredi 26 janvier.

Circulaire du 23 juillet 2014

Ce refus de l’apostrophe avait été motivé par une circulaire de 2014. Celle-ci liste un certain nombre de signes, comme les accents, la cédille ou le tréma, pouvant être utilisés dans l’état-civil. « Il en résulte que la circulaire du 23 juillet 2014 ne statuant pas expressément sur l’utilisation de l’apostrophe et s’agissant en outre d’un signe orthographique d’utilisation courante, il peut être considéré que son emploi n’est pas formellement interdit », relève le parquet.

Le procureur général de Rennes, Jean-François Thony, avait annoncé mercredi qu’il allait « procéder, de manière précise et détaillée, à un nouvel examen de cette situation juridique, en lien avec l’administration centrale », à la suite du refus de la mairie de Rennes d’enregistrer en août 2017 le prénom sous la forme retenue. Les parents s’étaient donc finalement résolus à inscrire leur enfant sous l’orthographe Derchen, sans apostrophe. Or, le c’h en breton a une prononciation proche de la jota espagnole, sans rapport avec la prononciation de son orthographe francisée.

En vertu de cette circulaire de 2014, certains autres signes, partie intégrante pour certains de la langue bretonne ou d’autres langues reconnues, ne sont plus autorisés au nom du respect de la langue française. Il s’agit notamment du tilde, très fréquent également en espagnol, par exemple. Ce texte était vivement critiqué en Bretagne depuis l’interdiction du tilde dans le prénom Fañch par le tribunal de Quimper en septembre dernier. Un procès en appel doit avoir lieu à Rennes cette année.

Mobilisation des élus

La maire de Rennes, Nathalie Appéré (PS), a annoncé, mardi, qu’elle allait demander la modification de la circulaire et saisir la garde des sceaux. Le conseil régional de Bretagne et une vingtaine de députés avaient déjà fait cette demande l’an dernier, en vain.

D’après des données en accès libre de la mairie de Rennes, au moins quatre prénoms avec une apostrophe ont été acceptés par la ville de Rennes depuis 2014 : N’guessan en 2015, D’jessy en 2016, N’néné et Tu’iuvea en 2017.

En France, 3 188 prénoms contenant une apostrophe ont été donnés en France de 1900 à 2015, et plus d’une cinquantaine par an depuis 1999, un chiffre en augmentation.

La circulaire de 2014 a aussi empêché une habitante du pays basque, Alexandra Ibañez, 33 ans, de léguer le tilde de son nom de famille à son fils.