Emission sur Museum à 15 h 00

En 1969, une émission ­promise à la vénération ­ultérieure fait irruption à la télévision française : « Tac au tac », un divertissement du producteur Jean Frapat mettant aux prises des auteurs de bande dessinée. Le principe : réunis devant une grande feuille de papier, des dessinateurs s’affrontent, feutres en main, à travers un certain nombre de jeux graphiques dont le plus ­fameux est un cadavre exquis réalisé en direct. Tout le gratin de la BD de l’époque y participera, jusqu’à l’arrêt de l’émission en 1975. Les Franquin, Gotlib, Druillet, Fred, Uderzo, Morris, Pratt, Bretécher, Topor… Seul Hergé, parmi les grands, boudera l’exercice.

Quatre décennies plus tard, revoilà « Tac au tac ». Laurent ­Frapat, le fils du créateur (décédé en 2014), a mis entre parenthèses son métier – réalisateur de films animaliers – pour redonner vie à l’émission. Dans un décor aussi immaculé que les feuilles du ­paperboard qu’ils vont devoir noircir, des bédéastes d’au­jourd’hui se mesurent au cours des mêmes épreuves, appelées « cadavre exquis », « piège et parade », « escalade » ou « fresque ».

Exercice d’improvisation

Laurent Frapat a tourné 20 émissions de trente minutes qu’il aurait aimé vendre à une chaîne à forte audience. Faute d’y arriver, il s’est rabattu sur la jeune chaîne culturelle Museum, uniquement disponible dans les offres Canal (via Free et Orange).

Diffusés en première partie de soirée du lundi au vendredi depuis début janvier, les épisodes le seront à nouveau, dans leur intégralité, pendant le week-end du 27 au 28 janvier, à l’occasion du Festival international de la bande dessinée d’Angoulême.

« Tac au tac » / Museum

Nul besoin d’être un lecteur assidu du genre pour se délecter de cet exercice d’improvisation au parfum surréaliste. Ainsi, François Boucq croque son personnage ­fétiche, l’agent d’assurances ­Jérôme Moucherot, sautillant sur le dos d’un crocodile ; partiellement dissimulée derrière un ­cache de papier, la langue de l’animal devient alors un serpent sous le crayon de Jean Mulatier, puis une crosse de hockey sur glace avec Achdé. Rassemblés autour de six cases blanches, Philippe Dupuy, David Prudhomme et ­Dominique Bertail flirtent, eux, avec l’abstraction pour composer un strip commencé par… la fin.

Si l’imagination relâchée des auteurs invités participe pour beaucoup à la réussite de cette renaissance, l’exécution de dessins en direct, sans filet, s’avère toujours aussi fascinante pour le ­téléspectateur, quarante ans plus tard. La BD, un art télévisuel ?