L’aviation turque a intensifié ses bombardements, dimanche 28 janvier, sur des « Unités de protection du peuple », les milices kurdes syriennes YPG dans l’enclave d’Afrine, au Nord ouest de la Syrie.

Considérés par Ankara comme « terroristes », les YPG, une « franchise » du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) en guerre contre l’Etat turc, sont aussi les meilleurs alliés des Américains et de leurs partenaires au sein de la coalition anti djihadiste. La Turquie craint avant tout la formation d’une région autonome kurde sur ses marches sud, redoutant qu’elle ne contamine sa propre minorité kurde (plus de 15 millions de personnes).

D’âpres combats ont eu lieu dimanche sur la colline de Bershaya, une hauteur tenue par les YPG entre les villes d’Afrine, le chef lieu de la région, et d’Azaz, où les troupes turques et ses supplétifs rebelles syriens sont basés. L’offensive turque se heurte à une forte résistance. C’est depuis cette colline que des roquettes ont été tirées les jours précédents sur Kilis, côté turc, faisant deux morts au total.

Profitant d’une éclaircie, l’artillerie et les F-16 ont pilonné intensivement Bershaya, dont « la prise » ainsi que celle d’une dizaine de villages a eu lieu dimanche en début d’après midi selon l’armée turque. Entrée dans sa deuxième semaine, l’opération « Rameau d’olivier », a fait 20 morts côté turc (7 militaires turcs, 13 membres de l’ASL) et plus de cent morts (combattants et civils) à Afrine.

Le numéro un turc ne compte pas en rester là. « Les terroristes ne pourront échapper à la fin douloureuse qui les attend, ni à Afrine, ni à Manbij », a déclaré M Erdogan dimanche lors d’un séjour à Corum (Nord de la Turquie). Manbij est une ville située à une centaine de kilomètres à l’Est d’Afrine, où des instructeurs américains sont déployés aux côtés des Forces démocratiques syriennes (FDS), dominées militairement par les YPG kurdes.

Erdogan a promis de « marcher sur Idlib »

« Les vrais propriétaires de Manbij ne sont pas ces terroristes mais nos frères arabes », a dénoncé Erdogan vendredi, suggérant une poussée « jusqu’à la frontière irakienne », ce qui a attisé l’inquiétude de Washington. « Nous allons marcher sur Idlib », a ensuite promis M Erdogan aux membres de l’organisation de jeunesse de son parti de la Justice et du développement (AKP) réunis en congrès à Kocaeli, à l’est d’Istanbul, vendredi 26 janvier.

Cette éventualité devrait alarmer la Russie. Idlib est une des quatre « zones de désescalades » où les groupes rebelles anti Bachar ont été parqués, selon les accords conclu à Astana (Kazakhstan) entre la Russie et l’Iran, les principaux soutiens de Bachar al Assad, et la Turquie, qui arme et entraîne la rébellion syrienne.

Après les accords d’Astana, centrés sur le volet militaire, la Russie vise une solution politique qui garantirait la pérennité de Bachar al Assad à la tête de la Syrie. C’est la raison d’être du « Congrès du dialogue national syrien » qui se tiendra lundi 29 et mardi 30 janvier à Sotchi, au sud de la Russie.

La participation d’Ankara à ce raout diplomatico-médiatique est cruciale. En tant que soutien numéro un de la rébellion anti Bachar, la Turquie est la meilleure caution du processus diplomatique mené par Moscou. Ses diplomates veulent être à Sotchi pour peser sur les futures négociations et empêcher l’apparition d’une région autonome kurde au Nord de la Syrie. Sur ce point, Ankara pourrait se retrouver sur la même ligne que Moscou, Téhéran et Damas.

Couper court aux vélléités kurdes d’indépendance

L’idée de voir Bachar al Assad renversé n’est plus d’actualité chez les islamo-conservateurs turcs, en revanche il est impératif de couper court aux vélléités kurdes d’indépendance. Damas pourrait aider. « Nous espérons que le régime syrien ne va pas coopérer avec les terroristes » a expliqué vendredi Mevlüt Cavusoglu, le ministre turc des affaires étrangères.

Moscou et Téhéran veulent anéantir la rébellion syrienne alors que Recep Tayyip Erdogan mise au contraire sur la création d’une « zone de sécurité », un hâvre de paix pour les rebelles et les réfugiés. C’est ce qui a été fait entre Azaz et Jarabulus, où 100.000 réfugiés se sont réinstallés. « Notre opération à Afrine permettra à nos frères réfugiés de rentrer dans leurs pays », a assuré M Erdogan jeudi 22 janvier.

Pour combien de temps ? En cas de règlement politique en faveur de Bachar al Assad, la présence des rebelles au Nord de la Syrie pourrait être remise en question, contraignant la Turquie à rendre les territoires conquis au régime de Damas.