Editorial du « Monde ». Semaine sanglante en Afghanistan. Quelques jours après l’attaque visant des étrangers contre l’Hôtel Intercontinental de Kaboul, une ambulance piégée a explosé, samedi 27 janvier, près du ministère de l’intérieur et du quartier général de la police afghane, faisant plus de 100 morts. Une autre attaque avait visé dans la semaine l’ONG britannique Save the Children dans l’est du pays, à Jalalabad. Et, lundi matin 29 janvier, une attaque était menée contre l’académie militaire Maréchal-Fahim à Kaboul.

L’attentat à l’ambulance piégée est le plus meurtrier en Afghanistan depuis celui au camion explosif perpétré dans la zone diplomatique de la capitale afghane le 31 mai 2017 (au moins 150 morts). Si l’une des deux ambulances impliquées dans l’attaque avait franchi un checkpoint supplémentaire, elle aurait pu atteindre deux autres cibles symboliquement importantes : le bureau de la délégation de l’Union européenne et l’ambassade d’Inde. Cela dit, quelles que soient les cibles, la plupart des victimes sont des civils.

Les deux attaques les plus meurtrières de la semaine, contre l’Hôtel Intercontinental et le ministère de l’intérieur, ont été revendiquées par les rebelles talibans afghans. Le gouvernement de Kaboul accuse le groupe de Sirajuddin Haqqani, actuel chef adjoint des talibans, d’être le maître d’œuvre de nombreux attentats commis ces dernières années dans la capitale.

Les années passent et se ressemblent

Le « réseau Haqqani » est connu pour sa proximité tant avec Al-Qaida qu’avec les services de renseignement militaire pakistanais. Les deux autres attentats, contre Save the Children et l’académie militaire, ont pour leur part été revendiqués par l’organisation Etat islamique (EI). La branche afghane de l’EI a été créée par des talibans ayant fait allégeance ces dernières années au « calife » Abou Bakr Al-Baghdadi.

Les années passent et se ressemblent en Afghanistan. Les rebelles talibans, qui contrôlent plus de la moitié du pays, mènent contre les villes une stratégie du chaos. A chaque attentat, la colère de la population se dirige contre le gouvernement. Ces attaques ne changent rien à l’équilibre militaire, mais elles rappellent l’extrême fragilité des institutions afghanes.

Ces attentats sont à chaque fois, pour les Etats-Unis, engagés depuis 2001 en Afghanistan dans la plus longue guerre de leur histoire, l’illustration d’un échec majeur. Depuis qu’il a officialisé sa stratégie afghane, le 21 août 2017, le président Donald Trump a à son tour, après George Bush et Barack Obama, renforcé le contingent américain – de 8 400 à 14 000 hommes, 1 000 autres étant attendus prochainement.

Les deux autres stratégies seraient un retrait militaire américain ou l’ouverture d’une négociation diplomatique entre Kaboul, les Etats-Unis, les talibans et les puissances régionales. La première option est jugée trop risquée et la seconde prématurée. Dans les deux cas, les talibans sont considérés comme étant trop en position de force pour qu’une alternative offre une perspective conforme aux intérêts américains.

Outre un renforcement des institutions et de l’armée afghane, la guerre n’aura pourtant pas d’issue sans que soit mis un terme à l’occupation militaire étrangère et sans négociations de paix. Les talibans et leurs alliés djihadistes d’Al-Qaida – ou rivaux de l’EI – ont donc encore de beaux jours devant eux. Et les Afghans n’en ont pas fini avec la souffrance.