C’est une première. Mardi 30 janvier, les personnels des maisons de retraite sont appelés à la grève par sept syndicats (CGT, CFDT, FO, UNSA, CFTC, CFE-CGC et SUD) avec le soutien de l’Association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA). Des débrayages dans les établissements et des rassemblements sont prévus dans toute la France, dont un devant le ministère de la santé, à Paris. Il n’est pas prévu que les représentants syndicaux y soient reçus.

« Il est inadmissible de ne pas prendre en compte la souffrance au quotidien que subissent professionnel, et par là même personnes âgées et familles », commentent les organisations syndicales dans un communiqué publié dimanche 28 janvier.

Voici plusieurs mois qu’elles sonnent l’alarme sur la détérioration des conditions de travail dans les Etablissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), et par conséquent la dégradation de l’accompagnement des résidents. Ces derniers arrivent en établissement de plus en plus âgés, atteints de handicaps physiques et de troubles psychiques de plus en plus importants. Le personnel n’est pas assez nombreux ni assez préparé.

« On arrive au bout »

« Nous devons effectuer 12 à 15 toilettes par matinée, a témoigné Sandrine Ossart, aide-soignante dans un Ehpad de Nantes et militante CGT, le premier syndicat du secteur, jeudi, lors d’une conférence de presse. Pour le lever, l’habillage et la mise au fauteuil, nous avons dix minutes. A l’école, il nous en fallait quarante. On sert les aliments mixés parce que ça va plus vite. Les résidents ne sortent plus. Ils font leurs besoins dans leurs protections parce qu’on n’a pas le temps de les accompagner aux toilettes. »

« Cela fait des années que cette mobilisation sociale couve. Le système ne tient plus que sur les bonnes volontés des salariés, on arrive au bout, commente Claude Jarry, de la Fédération nationale des associations de directeurs d’établissements et services pour personnes âgées. Je me réjouis que les salariés lancent ces revendications et j’espère que les familles vont aussi faire les mêmes demandes. »

La première réclamation du mouvement est l’augmentation du taux d’encadrement en Ehpad. Variable selon les établissements, il est aujourd’hui en moyenne de 6 soignants pour 10 résidents. Les syndicats réclament le « un pour un » (ou 10 soignants pour 10 résidents). Aujourd’hui, un tiers des établissements n’ont pas de médecin coordinateur. « C’est tout simplement illégal ! », relève Jean-Paul Zerbib, au nom de la CFE-CGC.

« Ehpad bashing »

La réforme du financement des établissements, votée sous le précédent quinquennat et mise en œuvre par le gouvernement, est en outre dans le viseur. « Cela consiste à prendre aux moins pauvres, qui ont un ratio d’encadrement de 7 pour 10, pour donner aux plus pauvres, qui sont à 5,5 », s’insurge Pascal Champvert, président de l’AD-PA. Les syndicats demandent également un renforcement de l’attractivité des métiers du secteur, qui peine à recruter.

La ministre de la santé, Agnès Buzyn, tente depuis plusieurs jours d’éteindre l’incendie. Elle s’est élevée, vendredi, lors d’une visite dans un établissement relativement bien doté de Chevreuse (Yvelines), contre un « “Ehpad bashing” qui pointe des dysfonctionnements ». « Je ne veux pas les nier, mais ce ne sont pas des généralités », a-t-elle affirmé, annonçant le lancement d’une enquête de satisfaction en Ehpad, comme il en existe à l’hôpital.

Cinquante millions d’euros supplémentaires

Mme Buzyn s’est en outre engagée à ce que la réforme de la tarification n’aboutisse à « aucune réduction de postes ». Un médiateur sera nommé afin de suivre sa mise œuvre. La ministre a rappelé que les moyens alloués aux Ehpad ont été augmentés de 100 millions d’euros dans le budget 2018 de la Sécurité sociale, dont 72 millions d’euros pour créer des postes de soignants, et 28 millions pour les établissements en difficulté. Une enveloppe supplémentaire de 50 millions d’euros a été annoncée pour ces derniers, jeudi. En vain, l’appel à la mobilisation a été maintenu.

Ces mesures sont qualifiées par les syndicats de « broutilles » et de « provocation » au regard des besoins. « Il ne s’agit pas d’un problème qui concerne seulement quelques établissements en difficulté, mais du sort que veut réserver la nation à ses aînés », affirme Jean-Claude Stutz, secrétaire national adjoint de l’UNSA Santé-sociaux. Une réforme globale du financement du secteur, réclamée par les syndicats, a été annoncée par plusieurs gouvernements successifs, mais n’a jamais été réalisée.