De la fumée s’échappe du centre-ville d’Aden, la capitale provisoire du Yémen, pendant  les combats entre les forces gouvernementales et séparatistes pour le contrôle de la ville, le 30 janvier. / SALEH AL-OBEIDI / AFP

Les forces du Conseil de transition sudiste (CTS), favorable à l’indépendance du Yémen du Sud et soutenu par les Emirats arabes unis, ont pris le contrôle, mardi 30 janvier, de la quasi-totalité d’Aden, la capitale provisoire du pays, après trois jours de combats meurtriers face aux forces gouvernementales.

C’est à Aden, la seconde ville du pays, que le gouvernement du premier ministre Ahmed Ben Dagher a trouvé refuge après la prise de la capitale yéménite Sanaa en septembre 2014 par les rebelles houthistes. Le président, Abd Rabbo Mansour Hadi, a lui trouvé refuge à Riyad, en Arabie saoudite.

Que se passe-t-il à Aden ?

Les forces loyales au gouvernement en place ont perdu la plupart de leurs positions-clés à Aden, qui de facto est désormais contrôlée par les rebelles du CTS. Les forces du CTS se sont emparées, mardi matin, d’une base dans le quartier de Dar Saad, ainsi que des avant-postes dans les quartiers de Crater et Tawahi, dans le centre d’Aden. Le brigadier Saleh Al-Sayyed, qui dirige des troupes combattant depuis dimanche avec les séparatistes, a annoncé que ses unités avaient pris le contrôle de la 4e brigade, qui inclut la garde présidentielle.

Les séparatistes se sont arrêtés devant le palais Al-Maachik, où se trouve le gouvernement, stoppés par les troupes saoudiennes qui gardent le bâtiment. « Les séparatistes ont encerclé le palais et contrôlent maintenant l’entrée principale », a fait savoir un officier de l’armée yéménite, ajoutant : « Ceux qui sont à l’intérieur sont, de fait, assignés à résidence, à ce stade. »

Aden, le 30 janvier 2018, lors des combats entre les forces gouvernementales et les séparatistes sud-yéménites. / SALEH AL-OBEIDI / AFP

Pourquoi les séparatistes ont-ils repris Aden ?

Les séparatistes étaient précédemment alliés au président Hadi, désormais en exil en Arabie saoudite. Mais la relation s’est tendue après le limogeage, en 2017, du gouverneur d’Aden, Aidarous Al-Zoubaidi, qui a ensuite formé le CTS, une autorité parallèle dominée par des séparatistes. Le Yémen du sud était un Etat indépendant avant sa fusion avec le Nord, en 1990, et les séparatistes y sont restés puissants.

Ceux-ci ont lancé, lundi 22 janvier, un ultimatum de sept jours au président Hadi afin qu’il limoge le premier ministre Dagher et son gouvernement, qu’ils accusent de corruption et de mauvaise gestion.

En prévision de son expiration, les séparatistes ont acheminé dimanche des renforts vers Aden et, dans certains quartiers, semblaient en bien meilleure position que les unités gouvernementales, selon des habitants.

L’ultimatum a expiré dimanche matin et les combats ont aussitôt éclaté en ville, aboutissant à la prise du siège transitoire du gouvernement et d’autres installations par les séparatistes. Les affrontements ont été intenses, impliquant parfois chars et artillerie lourde, ont témoigné les habitants. Les combats ont fait 36 morts et 185 blessés, selon le Comité international de la Croix-Rouge (CICR). L’agence de presse officielle yéménite Sana fait, elle, état de 16 morts et 141 blessés. Le bilan des combats pour la journée du mardi 30 janvier n’est, en revanche, pas encore connu.

Le gouvernement va-t-il quitter Aden ?

Les négociations ont désormais été engagées pour permettre au gouvernement Dagher de quitter la ville en sécurité ; mais le premier ministre n’a pas l’intention de quitter Aden, selon une source gouvernementale. La coalition sous commandement saoudien, qui intervient militairement au Yémen depuis 2015, a appelé à un cessez-le-feu immédiat. Le porte-parole saoudien de la coalition, le colonel Turki Al-Maliki, a appelé les séparatistes à « la retenue et à parler avec le gouvernement légitime ». Dans le même temps, a-t-il ajouté, « nous appelons le gouvernement légitime à examiner les demandes du mouvement social et politique » des séparatistes.

Le ministère de l’intérieur a lui aussi déclaré avoir donné pour instruction à toutes les unités d’arrêter les combats et dit espérer que l’autre camp répondrait « positivement à l’appel de la coalition ». Les séparatistes du sud du Yémen n’ont pas encore réagi à cette requête.

Quel rôle jouent l’Arabie saoudite et les Emirats ?

Jusqu’ici, les principales composantes de la coalition – émiraties et saoudiennes – ne sont pas intervenues militairement à Aden pour faire cesser les combats. Lundi soir, le président yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi a rejeté « le coup de force [séparatiste] et les actions terroristes à Aden », selon l’agence Saba.

Alors que le conflit au Yémen a, depuis son déclenchement en 2014, été contenu à un affrontement entre le gouvernement de M. Hadi et la rébellion armée des houthistes venue du nord du pays, la bataille entre les séparatistes du sud et le pouvoir a donné une dimension encore plus complexe au conflit yéménite. En trois ans, celui-ci a fait plus de 9 200 morts et 53 000 blessés et provoqué, selon l’ONU, « la pire crise humanitaire du monde ».

La coalition arabe est apparue plus divisée sur les combats à Aden. Les Emirats arabes unis, élément-clé de la coalition dirigée par Riyad, ont entraîné et appuient une force appelée « ceinture de sécurité » dans le Sud. Cette force soutient le Conseil de transition du Sud créé par les séparatistes, qui, eux-mêmes, combattent le gouvernement de Dagher soutenu par l’Arabie saoudite.

Les Emirats entretiennent des relations tendues avec le président Abd Rabbo Mansour Hadi, en raison de son soutien à la branche yéménite des Frères musulmans, que ceux-ci qualifient d’organisation terroriste.