L’article II, section 3, clause 1 de la Constitution américaine prévoit que « le président informera le Congrès, de temps à autre, de l’état de l’Union, et recommandera à son attention telles mesures qu’il estimera nécessaires et expédientes ». / J. David Ake / AP

« Construire une Amérique sûre, forte et fière. » Pour son premier discours sur l’état de l’Union, mardi 30 janvier, Donald Trump va revenir sur ses thèmes favoris. A l’heure où sa majorité au Congrès se réduit, la question de sa capacité à tourner la page d’une première année chaotique à la Maison Blanche et de s’adresser à tous les Américains reste plus que jamais posée. Réponse, mardi à partir de 21 heures (3 heures à Paris). Pour Simon Grivet, historien des Etats-Unis à l’université de Lille, une chose est certaine, « le discours du président sera très conventionnel : il va lire son prompteur ».

  • Tourner la page de l’année 2017

Après une séquence internationale au Forum de Davos, le président américain retrouve Washington, quelques jours après la fin du blocage sur le budget national (shutdown), à un moment où républicains et démocrates cherchent toujours un consensus autour d’une de ses promesses de campagne : la question des migrants.

Côté pile, ce discours sera l’occasion de vanter le bilan de sa première année, marquée par le vote de sa réforme fiscale, les bons chiffres de croissance et de l’euphorie de Wall Street.

Côté face, sa présidence est menacée par l’enquête du procureur spécial, Robert Mueller, sur les interférences russes pendant la présidentielle de 2016 ; par sa cote de popularité à 39 %, selon le sondage NBC-WSJ du 19 janvier (loin derrière celle de ses prédécesseurs à la même époque (Barack Obama 50 %, George W. Bush 82 %, Bill Clinton 60 %) ; et par la perspective des élections de mi-mandat, en novembre, qui s’annoncent compliquées et risquent de voir la Chambre basculer dans le camp démocrate.

  • Présenter l’agenda de l’année 2018

Le New York Times rappelle que le discours de l’état de l’Union consiste avant tout à présenter une liste de succès, établie en collaboration avec les responsables des différentes agences gouvernementales.

Selon le Washington Post, Donald Trump devrait mettre l’accent sur l’immigration et les questions de sécurité, détailler ses intentions concernant la renégociation des accords commerciaux internationaux et son plan à 1 000 milliards de dollars concernant la réfection des infrastructures américaines (autoroutes, ponts, aéroports, etc.).

Le site Axios relève que, pour ce genre de grands discours, le président est capable de s’en tenir au script. Une chose est certaine : aussi transgressif soit-il, il s’inscrira dans une tradition qui remonte au 8 janvier 1790, lorsque George Washington prononça le premier discours sur l’état de l’Union.

  • Un rendez-vous prévu par la Constitution

Ce discours sur l’état de l’Union est inscrit dans la Constitution des Etats-Unis. L’article II, section 3, clause 1 prévoit que :

« Le président informera le Congrès, de temps à autre, de l’état de l’Union, et recommandera à son attention telles mesures qu’il estimera nécessaires et expédientes. »

Entre 1790 et 1800, les présidents George Washington puis John Adams se sont présentés douze fois, en personne, devant le Congrès, pour prononcer ce fameux discours. Puis, en 1801, Thomas Jefferson, considérant qu’il ressemblait trop au discours du Trône britannique, a rompu avec la tradition et décidé d’envoyer un message écrit, lu par des fonctionnaires du Congrès. En 1913, le président Woodrow Wilson décida de réinstaurer le discours.

Traditionnellement, il n’est question de discours sur l’état de l’Union qu’à l’issue de la première année d’un président à la Maison Blanche. Le 28 février 2017, après seulement cinq semaines à la Maison Blanche, l’allocution de Donald Trump n’était qu’une adresse aux deux Chambres. Et, surprise, après un premier mois tumultueux au 1600 Pennsylvania Avenue (l’adresse de la Maison Blanche), il s’était alors montré plus… présidentiel qu’à son habitude. Pendant quelques jours seulement. Le 4 mars 2017, Donald Trump s’en prenait directement à son prédécesseur, affirmant que Barack Obama avait autorisé la mise sur écoute de la Trump Tower.

  • Une galerie d’invités

Le discours est prononcé devant les membres actuels et passés de la Chambre des représentants et du Sénat, le cabinet du président, le juge en chef des Etats-Unis et les juges de la Cour suprême, et le corps diplomatique.

Chaque membre du Congrès a le droit d’inviter une personne de son choix. Le président va tenter, comme en 2017, de faire vibrer la fibre émotionnelle lorsqu’il s’était adressé à la veuve de William « Ryan » Owens, le premier militaire américain tué sous sa présidence.

In Donald Trump's Speech, An Emotional Moment From Widow Of Navy SEAL | Politics | NPR
Durée : 03:35

Pour son discours de 2018, celui qui a fait de la lutte contre l’immigration clandestine et les gangs une de ses priorités a choisi d’inviter Elizabeth Alvarado, Robert Mickens, Evelyn Rodriguez et Freddy Cuevas, les parents de Nisa Mickens et Kayla Cuevas, battues à mort par des membres du gang MS-13, en septembre 2016.

  • #MeToo, #TimesUp et Kennedy côté démocrates

Pour ce qui est des symboles, les démocrates ne sont pas en reste. De nombreuses élues devraient s’habiller en noir, en hommage au mouvement #MeToo (« moi aussi ») et #TimesUp (« c’est fini »), les deux mouvements antiharcèlement et pour l’égalité des femmes.

Joseph Kennedy III, étoile montante du Parti démocrate — petit-fils de Robert Kennedy et petit-neveu de l’ancien président John F. Kennedy —, répondra dans une allocution télévisée au discours de Donald Trump. Il devrait s’adresser à la classe moyenne que le président avait promis de cajoler, mais qui est laissée pour compte, notamment par sa réforme fiscale. Joseph Kennedy a invité la sergente-cheffe Patricia King, servant dans l’US Army depuis dix-neuf ans, elle faisait partie des militaires transgenres menacé.e.s par la volonté du président Trump de leur interdire l’accès à l’armée.

En réponse aux atermoiements du président après chaque tuerie de masse, le représentant du Michigan, Dan Kildee, qui essaie d’interdire la vente de bump stock — mécanismes permettant de transformer les fusils semi-automatiques en fusils automatiques —, a, pour sa part, invité un pasteur, Jeffery Hawkins, qui intervient auprès des familles victimes de violences par armes à feu. Enfin, le représentant de Floride, Carlos Curbelo, sera, quant à lui, accompagné par Adrian Escarate, un bénéficiaire du programme DACA.

  • Une absence remarquée

Parmi les absences remarquées, celle annoncée de la juge Ruth Bader Ginsburg, membre de la Cour suprême est la plus commentée. Alors qu’elle était présente à chacun des discours de Barack Obama, elle n’a pas assisté au discours de Donald Trump en 2017. Mais elle n’est pas la seule juge de la Cour suprême à ignorer la cérémonie : le juge Antonin Scalia (mort en février 2016) n’y a pas assisté entre 1997 et 2016, estimant « qu’on y est juste assis, l’air stupide » ; Samuel Alito, lui, a estimé que les juges y étaient comme des « plantes en pot ».

Etat de l’Union, technologies et records

  • 1923 : premier discours radiodiffusé (Calvin Coolidge).
  • 1947 : premier discours diffusé à la télévision (Harry Truman).
  • 1965 : premier discours diffusé en direct (Lyndon Johnson).
  • 2002 : premier discours diffusé en direct sur Internet (George W. Bush).
  • 2004 : premier discours diffusé en télévision haute définition (George W. Bush).

Selon l’American Presidency Project hébergé par l’université de Californie (Santa Barbara), le discours le plus long est le message écrit par Jimmy Carter en 1981 : 33 667 mots, suivi par celui (parlé) de Bill Clinton, en 1995 (9 190 mots). Le plus court est celui de George Washington, en 1790 (1 089 mots).

La durée des messages : en moyenne, ceux de Bill Clinton (1993-2000) ont duré une heure et quatorze minutes, ceux de George W. Bush (2001-2008) cinquante-deux minutes et trente-cinq secondes, ceux de Barack Obama (2009-2016), une heure et deux minutes, et le discours de Donald Trump, en 2016, une heure.